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NI ACTUALITÉS NI COMMENTAIRES, ..... DU COPIER-COLLER ET DES LIENS... Un blog de « curation de contenu » : 82 LIVRES , 171 TEXTES et 34 DOCUMENTAIRES :

  • La difficile accession au statut de témoin protégé pour les repentis

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/09/25/la-difficile-accession-au-statut-de-temoin-protege-pour-les-repentis_5190875

    Claude Chossat, ancien du gang corse de la Brise de mer, révèle dans son livre qu’il a été exclu de ce programme.

    Les promesses de l’Etat n’engagent que ceux qui y croient. En 2012, après l’assassinat de l’ex-bâtonnier et du président de la chambre de commerce d’Ajaccio, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, jurait que tous les moyens seraient mis en place pour faire reculer la « mafia insulaire ». Deux ans plus tard, les décrets instituant le statut de repenti étaient publiés et faisaient de cette mesure le fer de lance de la lutte contre le crime organisé. Pourtant, le 20 septembre 2017, dans son livre Repenti (Fayard, 272 p., 19 €), Claude Chossat, le premier à avoir rompu l’omerta, révèle que l’Etat lui a refusé, en 2016, l’accès au programme de protection des témoins.

    Claude Chossat a été arrêté en décembre 2009 après avoir suivi, pas à pas, pendant plus d’un an, comme homme à tout faire, Francis Mariani, l’un des piliers du gang de la Brise de mer, puissance mafieuse insulaire. Depuis, il a témoigné dans un grand nombre de procédures judiciaires liées au crime organisé permettant un décryptage jusque-là impossible à faire sur la mise en coupe réglée d’un territoire. Si certaines omissions et contradictions de sa part ont pu peser sur sa crédibilité, une bonne part de ses aveux a néanmoins pu être vérifiée, ce qui fait logiquement de lui un témoin précieux à protéger.

    Cette incongruité doit tout d’abord à l’impéritie de l’Etat. Le statut de repenti avait été prévu, dès 2004, dans la loi dite Perben II sur la criminalité organisée. Mais seul le principe d’une réduction de peine lors du jugement avait été entériné. Il restait toujours à mettre en place le programme de protection qui se déclenche au moment où un témoin décide de passer de l’autre côté du miroir et où il est utile de le protéger. Il fallait encore créer une commission chargée de valider les demandes, prévoir des moyens humains et un budget. Cette phase n’a vu le jour que le 17 mars 2014, soit plus de quatre ans après le choix de Chossat de parler.

    Tour de passe-passe

    Ce refus surprenant doit aussi à la frilosité du législateur. Les députés ont, en effet, exclu du statut de repenti toute personne souhaitant coopérer dans une procédure criminelle. En d’autres termes, si le repenti se confesse après la commission du crime, ses déclarations ne lui donnent aucune garantie de protection. Or, dans le cas de Chossat, si la justice a fait, grâce à lui, de grands pas dans la compréhension de ce phénomène criminel, elle n’a recueilli d’éléments que sur des homicides déjà commis. Exclu de ce programme, il n’a eu d’autre choix que de quitter la Corse et de gérer, depuis, lui-même sa sécurité.

    En 2016, un juge de la juridiction spécialisée de Marseille en matière de crime organisé (JIRS), Guillaume Cotelle, a tenté de contourner ces obstacles textuels en effectuant une demande de protection pour Chossat dans un dossier non criminel. Les espoirs de voir cette requête aboutir ont vite été refroidis. Le procureur de Marseille, territorialement compétent, Brice Robin, a tout d’abord délivré un avis défavorable. Puis, la commission a voté majoritairement contre la délivrance de ce statut protégé à Chossat.

    Ce tour de passe-passe avait été utilisé, avec succès, pour permettre à Patrick Giovannoni, « petite main » du Petit Bar, autre bande mafieuse corse, de devenir le premier repenti de France. Ses aveux ont, notamment, conduit à la mise en cause de Jacques Santoni, le chef du groupe, et de ses lieutenants, dans plusieurs affaires d’homicides. Comme Chossat, Giovannoni a largement nourri des dossiers d’assassinats, dont ceux, fin 2012, de l’ancien bâtonnier d’Ajaccio, Antoine Sollacaro, du président de la chambre de commerce, Jacques Nacer, et d’Antoine Nivaggioni, en 2010, un ex-nationaliste reconverti dans les affaires.

    Mais, toujours à cause de l’écriture de la loi, il lui était impossible d’accéder au statut de repenti et de témoin protégé dans ces affaires criminelles dans lesquelles il est parfois lui-même poursuivi. Le jour du procès, en dépit de l’aide apportée à l’Etat dans ces enquêtes sensibles, il ne pourra, en théorie, bénéficier d’aucun traitement de faveur, ni réduction ni exemption de peine. La cour d’assises pourra même le condamner encore plus lourdement grâce aux preuves qu’il a largement contribué à fournir.

    « Ce dispositif a besoin de temps »

    Pour protéger ce témoin providentiel, la justice a dû effectuer la demande du statut de repenti dans un dossier annexe ouvert contre X… sur une simple cache d’armes. Ce jonglage procédural a eu pour conséquence de réveiller les soupçons des avocats des membres du Petit Bar qui voient dans cette solution un moyen de dissimuler des éléments essentiels et d’empêcher d’évaluer le degré réel de crédibilité du témoin.

    Selon l’avocat d’André Bacchiolelli, Me Emmanuel Marsigny : « En excluant les faits de nature criminelle du programme des repentis, la loi crée de fait des situations invraisemblables et surtout contraires aux règles du procès équitable. Dans notre affaire, elle conduit à une enquête relative à l’arme du crime séparée de celle du crime lui-même sans que la défense puisse y avoir accès. Du jamais-vu ! »

    Interrogés sous couvert d’anonymat, certains membres des juridictions spécialisées en matière de crime organisé plaident l’indulgence. « Ce dispositif de protection des témoins est jeune. Il a besoin de temps pour être mieux appréhendé par les juridictions, notamment pour faire comprendre qu’il n’est pas réservé qu’aux seuls grands criminels », dit l’un d’eux.