Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • Lever, tel un ressort
    A cinq heures, je me rue
    Sur Les Anguilles les mains mouillées

    Rêve tellement frustrant
    Et tellement littéral
    Elle ne veut plus me voir

    Pierre
    Feuille
    Ciseaux (et puits)

    Pour
    Sophie
    une histoire de piano :

    Un jour on détruit un vieux piano
    Dans une grange, quarante ans plus tard
    Ce piano vient vous hanter dans vos rêves

    Puis. Perdu du côté de Sèvres
    Secouru par un agriculteur
    Qui me fait cadeau d’un beau morceau de viande

    Un péage acrobatique
    Pour rejoindre la A13
    Poursuivi par une voiture de course

    Sons et lumière à Rocamadour
    Produit par une Marie Richeux
    Qui préférerait faire bûcheronne

    Il m’a fallu une heure, de 5 à 6
    Pour retranscrire ce rêve
    Long de deux pages

    Incapable
    Ensuite
    De me rendormir

    Le mélange riche et copieux
    Des ingrédients de la veille
    Aura donc produit ce rêve tortueux

    Je me demande s’il existe
    Des outils pour mesurer
    Les séismes en moi en ce moment

    Le plaisir, presque, de retrouver
    L’open space ce matin
    Surtout les photos de mes enfants

    Le soleil rougeoyant de l’aube
    Tombe sur ces petites images
    Apposées contre mon écran

    Les échanges de textes avec Zoé
    Qui m’écrit depuis le bus
    Moi qui réponds depuis le bureau

    Doucement
    Le
    Café !

    Doucement
    Les
    Cafés !

    Des fois
    Je trouve, tout de suite
    Le mot juste, séjourné

    Au café, tout un chacun
    Bat la mesure et fredonne en chœur
    Au refrain, I’m just a gigolo !

    La serveuse du BDP
    Vérifie son maquillage
    Dans le rétroviseur de son scooter

    Alors que s’éteignent les éléphants d’Afrique,
    Les Chinois ont pris le contrôle
    Des routes de l’ivoire

    Zuckerberg contre Trump,
    L’affiche dont rêve
    La Silicon Valley

    Au café, je me retourne subitement
    Et vois, en pleine clarté, au travers de la baie vitrée
    La consultation de photographies d’un téléphone de poche

    Est-il possible
    Que j’ai déjà vu
    Ces photographies ?

    Ces photographies
    Représentent la femme qui
    Les regarde sur son téléphone

    Mais alors
    Où ai-je déjà vu
    Ces photographies ?

    Je tente d’apercevoir
    Le visage de cette femme
    Que je vois de dos

    Chaque fois qu’elle est
    Sur le point de se retourner
    Un passant la masque

    Quand enfin j’aperçois son visage
    Je comprends que je ne la connais pas
    Mais que je sais qui elle est

    Et, oui
    Je l’ai déjà vue
    Nue. Dans un film.
    Le Défenseur des droits
    Préconise un « droit à l’erreur ».
    Toubon dangereux révolutionnaire !

    Au Togo, une marée humaine
    Dans les rues de Lomé
    À l’appel de l’opposition

    « Notons que la principale
    Qualité de Pierre Gattaz
    Est d’être sorti du vagin de sa mère ! »

    (@monolecte)

    Le jeune homme qui s’avance vers moi
    Sous la halle du marché à Montreuil
    Est l’auteur de l’Étreinte , Adrien

    J’aime qu’arrivant à la maison
    Adrien s’assoit comme s’il était déjà venu
    De tout temps

    Nous avons beaucoup à échanger
    Et nous avons aussi beaucoup de travail
    Quel désordre et quel labyrinthe !

    Où je découvre des méthodes de travail
    Et des façons de voir les choses
    Aux antipodes des miennes, envie de foncer

    Adrien et moi avons lu en même temps
    Tout ce qu’il y avait à lire à propos de la Shoah
    Mais pas au même âge !

    Je suis subjugué que parlant
    Des mêmes images
    Nous ne voyons pas les mêmes choses

    Photographies clandestines à Birkenau
    Shoot de Chris Burden
    Les sept pendues de Georges Méliès

    Avec Adrien nous avons en commun
    Que regardant de vieilles images
    Nous sachions regarder des morts

    #mon_oiseau_bleu