• La France rêvée des promoteurs
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    Alors que les projets de redéveloppement urbain transforment de nombreux quartiers, notamment au sein du Grand Paris, il est impossible d’ignorer le lien entre ces investissements et la longue histoire de ce territoire associant multiculturalisme et stigmatisation raciale. Cet article s’attache à déconstruire les rendus architecturaux incarnant le futur de cette banlieue rénovée, et s’interroge sur les discordances entre ce futur imaginé et la diversité ethno-raciale réelle de la société française.

    Si vous passez du temps en banlieue parisienne, vous remarquerez partout (à l’exception des quartiers les plus riches) des grues, des chantiers de construction et des panneaux d’affichage signalant l’un des projets de redéveloppement métropolitain les plus ambitieux en Europe : le Grand Paris. Cet énorme programme de redéveloppement de l’agglomération parisienne lancé par l’ancien président Nicolas Sarkozy en 2007 inclut notamment le Grand Paris Express, un projet destiné à étendre le réseau de transports entre Paris et sa banlieue ; des projets de rénovation et de développement immobilier ; la construction de bureaux et de bâtiments commerciaux ; ainsi que la création d’une nouvelle structure de gouvernance régionale (Gilli et Offner 2009).

    Alors que les divisions sociales et raciales qui structurent la société française suscitent un intérêt croissant à l’étranger, il est impossible de séparer l’avalanche d’investissements réalisés dans le cadre du Grand Paris de la longue histoire de l’intervention de l’État dans des zones urbaines stigmatisées et souvent qualifiées de « ghettos ». Cette stigmatisation de la banlieue a des conséquences non seulement sur l’agglomération parisienne, mais aussi sur les périphéries de nombreuses villes françaises [1].

    Dans la société médiatique qui est la nôtre, la production d’images assistées par ordinateur permet de visualiser ce à quoi ressemblera la « nouvelle » banlieue en faisant figurer de fausses personnes sur des rendus architecturaux (ces images de synthèse qui révèlent l’aspect fini des projets immobiliers en cours). Ces panneaux d’affichage exposent la façon dont les architectes, les promoteurs ou les responsables publics perçoivent le futur. Il est frappant de constater que les personnes figurant dans ces représentations du futur ne ressemblent en rien aux personnes vivant en réalité sur ces territoires. Dans la masse des récits qui se développent autour des espaces racisés, la stigmatisation s’accompagne souvent du blanchiment (whitewashing) ou de l’effacement.