• Un exercice en autodestruction
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    Un exercice en autodestruction

    Le texte de John Laughland du 4 octobre 2017 publié ci-dessous, repris de ses chroniques régulières sur RT-français, nous donne un excellent cadre de réflexion pour bien appréhender la crise catalane. Laughland nous donne la mesure des contradictions extraordinaires où nous conduisent les événements, nous dirions les contradictions extraordinaires où nous précipite le “tourbillon crisique” qui règle la marche du temps historique et accéléré que nous vivons.

    La domination du Système est telle que la plupart des événements aujourd’hui ne peuvent plus porter que sur les contradictions internes du même Système, qui sont énormes et écrasantes ; la dynamique de surpuissance du Système est telle que rien ne peut stopper le rythme engendré par la rapidité historique signalé ci-dessus, (...)

    • Certes, dans l’histoire des relations internationales, ces principes sont des coutumes que les grandes puissances pensent qu’il est plus honorable de violer que d’observer. Mais cette relative stabilité du droit international a volé en éclats en 2010 à cause d’un arrêt hautement regrettable de la Cour internationale de justice, l’organe judiciaire suprême de l’ONU et une instance qui, jusqu’à cette date avait agi en tant que gardien respectable du droit international. Saisi par l’Assemblée générale de l’ONU sur la question de la licéité de la déclaration de l’indépendance du Kosovo en 2008, une question à laquelle la Serbie était convaincue qu’une seule réponse était possible car le statut de sa province méridionale était gouverné par une résolution du Conseil de sécurité, la résolution 1244 de juin 1999, et parce que son initiative avait recueilli une grande majorité de voix des Etats membres de l’ONU au sein de l’Assemblée générale, la Cour internationale de justice, à la grande déception de Belgrade, statua que cette déclaration ne violait « aucune règle applicable du droit international ».

      L’affirmation de certains gouvernements pro-kosovars selon laquelle le Kosovo serait un cas unique qui ne fournirait aucun précédent à d’autres déclarations d’indépendance est parfaitement mensongère

      Or, nous savons que les mains de ceux qui rédigèrent la déclaration du Kosovo de février 2008 furent tenues par les Etats membres de l’Union européenne (avec quelques exceptions, dont l’Espagne), qui gouvernera désormais la province par le biais d’une nouvelle agence, EULEX, et par les Etats-Unis, véritable auteur de la guerre de l’OTAN de 1999, dont la conséquence était l’occupation de cette province par ses troupes. La fameuse déclaration d’indépendance du Kosovo, d’ailleurs, est en réalité une déclaration de dépendance de la province à l’égard de l’OTAN et de l’UE, qui font partie de la minorité des Etats reconnaissant cette indépendance. Ces grandes puissances avaient-elles réussi à peser sur les réflexions des juges à La Haye, peut-être par l’intermédiaire du juge britannique, Sir Christopher Greenwood, ancien professeur de droit qui travaillait en cachette pour le gouvernement de Tony Blair et qui était à l’origine du célèbre avis légal du gouvernement britannique en 2003 proclamant la guerre en Irak légale ?

      Ce qui est certain, c’est que l’affirmation de certains gouvernements pro-kosovars selon laquelle le Kosovo serait un cas unique qui ne fournirait aucun précédent à d’autres déclarations d’indépendance est parfaitement mensongère. La Cour ayant conclu qu’aucune règle de droit international n’avait été violée par cette déclaration, il faut par définition arguer – comme le fait la Cour – que le droit international ne contient aucune interdiction générale applicable aux sécessions unilatérales. Celles-ci sont donc autorisées et la sauvegarde de l’intégrité territoriale des Etats est lettre morte. L’arrêt canadien se trouve désormais dans la poubelle de l’histoire.

      Nous savons depuis la sécession de la Crimée en 2014 quelles sont les conséquences de cet arrêt : il est moralement intenable de soutenir la sécession en 2008 du Kosovo d’un Etat, la Yougoslavie, qui était devenu parfaitement « démocratique » (aux dires de l’Occident) en 2000, mais de condamner la sécession de la Crimée de l’Ukraine putschiste en 2014. Cet arrêt a donc mis le feu aux poudres et nous en voyons maintenant les conséquences au sein même de cette Europe qui, l’Espagne comprise, avait attaqué la Yougoslavie en 1999. Autrement dit : qui sème le vent récolte la tempête.