#Catastrophisme, administration du #désastre et #soumission durable (par René Riesel et Jaime Semprun) – Le Partage
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La dégradation irréversible de la vie terrestre due au développement industriel a été signalée et décrite depuis plus de cinquante ans. Ceux qui détaillaient le processus, ses effets cumulatifs et les seuils de non-retour prévisibles, comptaient qu’une prise de conscience y mettrait un terme par un #changement quelconque. Pour certains ce devaient être des #réformes diligemment conduites par les États et leurs experts, pour d’autres il s’agissait surtout d’une #transformation de notre mode de vie, dont la nature exacte restait en général assez vague ; enfin il y en avait même pour penser que c’était plus radicalement toute l’organisation sociale existante qui devait être abattue par un changement révolutionnaire. Quels que fussent leurs désaccords sur les moyens à mettre en œuvre, tous partageaient la conviction que la connaissance de l’étendue du désastre et de ses conséquences inéluctables entraînerait pour le moins quelque remise en cause du conformisme social, voire la formation d’une conscience critique radicale. Bref, qu’elle ne resterait pas sans effet.
Contrairement au postulat implicite de toute la « critique des nuisances » (pas seulement celle de l’EdN), selon lequel la détérioration des conditions de vie serait un « facteur de révolte », force a été de constater que la connaissance toujours plus précise de cette détérioration s’intégrait sans heurts à la soumission et participait surtout de l’adaptation à de nouvelles formes de survie en milieu extrême. […]
La dissimulation et le mensonge ont bien sûr été utilisés à maintes reprises, le sont et le seront encore, par l’industrie et les États. Toutes sortes d’opérations doivent être menées dans la plus grande discrétion, et gagnent à n’apparaître en pleine lumière que sous forme de faits accomplis. Mais comme le principal fait accompli est l’existence de la société industrielle elle-même, la soumission à ses impératifs, on peut y introduire sans danger des zones toujours plus étendues de transparence : le citoyen désormais bien rodé à son travail de consommateur est avide d’informations pour établir lui-même son bilan « risques-bénéfices », tandis que de son côté chaque empoisonneur cherche aussi à se disculper en noircissant ses concurrents. Il y aura donc toujours matière à « révélations » et à « scandales », tant qu’il y aura des marchands pour traiter une telle matière première : à côté des marchands de poisons, des marchands de scoops journalistiques, d’indignations citoyennes, d’enquêtes sensationnelles.