• Corruption d’Etat

    La récente nomination par Donald Trump d’Andrew Wheeler, ancien lobbyiste de l’industrie du charbon, comme numéro deux de l’Agence étasunienne de protection de l’environnement est exemplaire. En campagne, le milliardaire avait promis de « drainer le marais » des affairistes qui embourbe Washington. Au pouvoir, il n’a cessé de faire de l’Etat sa chose, et celle de ses proches et alliés.

    Caricatural, Donald Trump n’est pourtant que le symbole le plus visible du désarmement de la puissance publique au profit d’intérêts privés. Le scandale du glyphosate, commercialisé par la multinationale Monsanto sous le nom de #Roundup, illustre ce mal qui ronge les Etats.

    Critiqué depuis une vingtaine d’années, ce pesticide associé aux OGM a été qualifié de « cancérogène probable » en mars 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS (CIRC) sur la base d’un corpus d’études pourtant similaire à celui ayant conduit les autorités européennes à l’adouber. Ce mystère scientifique, la divulgation depuis mars dernier de milliers de documents internes au groupe – les #Monsanto_Papers – a permis de l’éclairer : « portage » de recherche ou « ghostwriting » – un savant « indépendant » prête son nom à une étude réalisée par la firme –, liens d’intérêts occultés, rapports modifiés, campagnes de dénigrement, pressions sur les éditeurs scientifiques, menaces juridiques, chantages aux subventions : gare aux imprudents qui se mettraient sur le chemin du géant des OGM !

    De fil en aiguille, on découvre que les agences publiques – sans réels moyens – sont contraintes de recopier les milliers d’études et de synthèses commanditées par les multinationales. On comprend mieux dès lors pourquoi les autorités sanitaires européennes se montrent discrètes quant aux preuves avancées par leurs experts – anonymes ! – garantissant la non-toxicité du glyphosate.

    De compromissions scientifiques en arrangements politiques, c’est un affligeant panorama de corruption systémique que révèlent les Monsanto Papers. Invités la semaine dernière à l’europarlement, les patrons des agences de l’UE n’ont pu qu’ânonner d’autorité que leur travail avait été bien fait. Monsanto, elle, a décliné l’invitation, écopant en réaction d’une interdiction de lobbying à Bruxelles.

    Certains députés aimeraient aller plus loin et appellent à la constitution d’une commission d’enquête parlementaire. Sain objectif ! Pourtant, quand on observe l’europarlement saper, main dans la main avec les multinationales, la souveraineté populaire à travers des traités de libre-échange tels que le CETA, on se demande si les députés ne devraient pas s’offrir d’abord une petite séance d’introspection.

    https://www.lecourrier.ch/153479/corruption_d_etat
    #Monsanto