• « Un mathématicien aurait-il plus de valeur qu’un historien ou un artiste ? »
    http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/10/18/arretons-cette-suprematie-de-la-filiere-scientifique-au-lycee_5202720_440146

    On peut se demander si le bagage scientifique permet réellement de s’adapter à tous types de filières. Moi-même, cet été, je me suis posé cette question. Ayant été admis dans une filière pluridisciplinaire centrée sur les sciences économiques, sociales et juridiques, après un baccalauréat économique et social, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que je devais rattraper certains points du programme de terminale S en mathématiques, tandis que dans le même temps, les élèves issus de cette même terminale S n’avaient, eux, absolument aucun rattrapage à faire en économie ou en sociologie.

    Inimaginable d’entrer dans ce type de filières sans connaître les formes indéterminées des limites de fonctions en maths, mais normal d’y entrer sans connaître Bourdieu, Durkheim ou Keynes ? Je m’interroge toujours. Malgré la diversification toujours plus importante des parcours scolaires proposés et les déclarations de l’éducation nationale sur le fait que toutes les filières se valent et offrent de multiples débouchés, il existe toujours une hypocrisie au sein même du système scolaire.

    Nouvel exemple personnel : lors du troisième trimestre de ma seconde, avec la meilleure moyenne générale de la classe, j’étais le seul élève au-dessus de 13 de moyenne à demander la filière ES. La proviseure du lycée, s’étonnait : « Il ne veut vraiment que ES ? », alors même qu’elle déclarait quelques semaines auparavant devant des parents d’élèves qu’il « n’existe aucune hiérarchie des filières, que chacun doit choisir en fonction de ses goûts et pas parce que telle ou telle filière est réputée d’excellence ». Cette réaction traduit parfaitement à quel point cette hiérarchisation est ancrée dans le système éducatif et caricature bien l’idée selon laquelle les « bons » élèves devraient devenir mathématiciens ou ingénieurs.

    Comme de nombreux étudiants que j’ai rencontrés au cours de mes études, je pense qu’il faut en finir avec cette vision des choses. En finir avec l’admiration béate que l’on voue à la « rigueur », à l’« esprit de synthèse et de logique » qu’offre la filière scientifique, et valoriser à leur juste niveau les compétences diverses qu’offrent les autres filières.

    Le dicton populaire a coutume de dire « il n’y a pas de sot métier ». Il serait désormais temps de l’appliquer au système scolaire et de montrer, une fois pour toutes, qu’« il n’y pas de sotte filière ».

    cc @heautontimoroumenos
    Au passage je mentionne que les filières scientifiques sont celles discriminant le plus les filles et les femmes. D’ou les nombreuses initiatives "femmes et mathématiques"

    • Merci pour cet article avec un témoignage très pertinent.

      Malgré la diversification toujours plus importante des parcours scolaires proposés et les déclarations de l’éducation nationale sur le fait que toutes les filières se valent et offrent de multiples débouchés, il existe toujours une hypocrisie au sein même du système scolaire.

      J’ai été confronté à ça récemment via mes enfants. En fin de 3ème, le discours des officiels côté collège comme côté lycée est la « diversité » des parcours et surtout les « passerelles ». Je suis ressorti enchanté, persuadé que les choix d’orientation seraient moins engageants qu’à mon époque. Sauf que ce discours n’est pas confirmé par les profs des établissements qui disent qu’en ’vrai’ il faut toujours le bon parcours, les bonnes options, la bonne filière voire le bon établissement. Pire : plusieurs jeunes de ma connaissance qui ont suivi un bac L CAV se retrouvent en difficulté à l’entrée des écoles d’audiovisuelles en raison de leur niveau en sciences et voient que les S répondent davantage aux critères de sélection alors même qu’il n’y a pas d’option CAV en S. Ils se retrouvent à faire des stages de remise à niveau (payants) pendant les vacances. On nage donc en pleine hypocrisie.

      La remarque sur le « genre » des filière n’est pas anodine.
      On peut ajouter aussi que pour contrer cette hypocrisie, il faut la décoder, avoir les « bonnes » infos et donc être un ’insider’ d’où une sélection sociale qui ne dit pas son nom.

      Le dicton populaire a coutume de dire « il n’y a pas de sot métier ». Il serait désormais temps de l’appliquer au système scolaire et de montrer, une fois pour toutes, qu’« il n’y pas de sotte filière ».

      Comme pour certains liens postés récemment, on trouve l’idée qu’il faut changer l’école pour changer la société, ce qui n’est pas faux, mais qui fait l’impasse sur le fait qu’il va bien falloir changer la société si on veut changer l’école. En effet, si ’pour de vrai’ il n’y avait pas de « sots métiers » ou considérés comme tels par la société, les questions d’orientations au sein du système scolaire seraient moins tendues.
      Il y a une schizophrénie constante à reporter sur le monde scolaire ce qu’on est incapable de porter dans la société, pour ensuite reprocher à l’école de n’être pas en phase avec celle-ci. Exemple, cette histoire de bienveillance dans un monde hyper-compétitif qui ne l’est pas du tout.
      Évidemment tout ça ne dédouane en rien le système scolaire et ceux qui y sont.

    • Je confirme pour l’audiovisuel. C’est même écrit dans un document d’information remis à ma fille par son lycée : Poursuites d’études avec un bac S= formations d’audiovisuel (sic) .
      Dans ce lycée les options arts-plastiques, théâtre et cinéma sont proposés aux....L.
      Cherchez l’erreur.