• Et il ne restera que la colère - Crêpe Georgette
    http://www.crepegeorgette.com/2017/10/19/colere

    Beaucoup de femmes, dont je suis, ont observé, poings serrés et cœur au bord des lèvres, tous les témoignages déposés sur les réseaux sociaux par des victimes de violences sexuelles. Ces femmes témoignaient de tous les pays, avaient toutes les couleurs, les origines, tous les âges, toutes ou aucune religion.

    C’était difficile.
    Difficile parce que chaque témoignage ramenait chaque femme à ce qu’elle a vécu.
    C’était difficile de voir des femmes se souvenir.
    C’était difficile de voir des femmes, qui habituellement ne veulent pas parler de tout cela, qui habituellement font "comme si", témoigner.
    C’était difficile de voir des hommes feindre de s’étonner alors que c’est le 50eme hashtag sur le sujet et qu’on ne peut plus faire en 2017 comme si on ne savait pas.
    C’était difficile de voir des hommes louer cette libération de la parole, alors que chaque témoignage me donnait envie de hurler à n’en plus finir.
    C’était difficile de voir des hommes m’expliquer que « les choses avancent » au moment où l’on est noyé sous les témoignages de viols et d’agressions. Et il faut se taire parce qu’ils sont gentils ceux-là ; si on les agresse, il ne restera personne.
    Difficile parce que j’ai été témoin au début des années 2000 de la première prise de parole collective de victimes de violences sexuelles, sur le forum des Chiennes de garde et que très peu a changé depuis lors : nous avons parlé, on nous a dit qu’on nous écoutait, il ne s’est rien passé.
    C’était difficile d’avoir à la fois envie que la parole se libère et qu’elle s’arrête, qu’on se taise toutes, parce que c’est trop, trop de souffrance et surtout trop d’indifférence.
    C’était difficile de voir chaque insulte et chaque moquerie adressée à chaque victime parce qu’elles font écho à beaucoup d’histoires personnelles. Comment « se foutre des trolls » quand votre père, votre mère, vos amis, votre mari, la police, la justice ont eu le même discours ?

    • Et puis il y a la colère.
      La colère de voir des salopards refuser de voir que les violences sexuelles sont présentes dans toutes les couches de la société et pas seulement chez les riches juifs d’Hollywood et les pauvres arabes musulmans de banlieue. La colère donc devant l’instrumentalisation des violences faites aux femmes ; pour assoir son racisme, son islamophobie ou son antisémitisme.

    • La colère qu’on refuse à employer le bon mot pour qualifier les violences sexuelles à l’égard des femmes : du #terrorisme. Nous apprenons très tôt aux femmes à vivre dans la peur, nous ne les armons pas pour lutter contre les agresseurs, nous instillons un climat oppressant, violent, lourd afin que les femmes se contiennent, se surveillent, contrôlent leurs mouvements, leurs gestes et leurs vêtements. Et les femmes qui ne respectent pas ces règles implicites, changeantes, mouvantes sont agressées, violées, tuées. Et c’est bien l’exacte définition du terrorisme ; mais pas d’état d’urgence pour celui-là. Quand un homme me saute dessus dans la rue avec un couteau et me viole, et que la terre entière m’explique que c’est au fond un peu normal, qu’est-ce que j’avais à faire là ; qu’est-ce que sinon une politique de terreur à l’égard des femmes ? Est-ce normal d’envisager que la rue n’appartient pas aux femmes ?