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Académie ESJ, et cacadémie esj

  • L’électricité des crypto-monnaies Blogs Pour la Science - scilogs. - 18.10.2017 - Jean-Paul Delahaye
    http://www.scilogs.fr/complexites/lelectricite-crypto-monnaies

    Le fonctionnement des principales crypto-monnaies provoque une dépense électrique considérable. Quelles conséquences pour leur avenir ?
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    Le coût électrique du réseau
    Un point est cependant gravement inquiétant : le réseau informatique qui permet le fonctionnement des échanges de bitcoins et leur sécurisation brûle une quantité importante d’énergie électrique. Elle est évaluée par le site spécialisé Digiconomist à 21 TWh (16-10-2017) par an, ce qui est correspond à la dépense électrique annuelle de plus 1,94 million de foyers américains, ou encore à 0,10 % de toute la production électrique mondiale.

    Cette quantité d’énergie brûlée par le réseau est appelée prochainement à croître. Un raisonnement économique simple que nous allons détailler plus loin montre en effet que la dépense électrique du réseau est proportionnelle au cours du bitcoin avec un délai d’ajustement de plusieurs mois pour que les investissements de rattrapage se mettent en place quand le cours augmente (une sorte d’inertie). Comme le cours du bitcoin a récemment beaucoup progressé  il a été multiplié par plus de 8 en un an , l’ajustement de consommation lié au cours actuel n’a pas totalement eu lieu et se fera en multipliant la consommation électrique du réseau actuelle par deux au moins dans les prochains mois. C’est une certitude... sauf si le cours du bitcoin s’écroule.

    On aboutira alors à une consommation du réseau informatique du bitcoin d’au moins 40 TWh par an, équivalente à celle d’un pays comme le Pérou ou la Nouvelle Zélande ou encore à presque 10% de la dépense électrique Française qui a été de 468 TWh en 2015.
    Aujourd’hui 16-10-2017 le bitcoin dépense 21,03 TWh. (Digiconomist).

    En 2015, la Suisse a dépensé 62,1 TWh, le Portugal 49,8 TWh, la France 468,4 , le Pérou 42,9, la Nouvelles-Zélande 41,4. International Energy Agency Energy Statistics 2017 page 60 et suivantes


    Les optimistes et les pessimistes
    Les évaluations que j’ai mentionnées sont approximatives car il est impossible de savoir dans le détail qui dépense de l’électricité et combien pour l’extraction de nouveaux bitcoins. Voir l’annexe 2 plus bas qui explique les difficultés de cette évaluation.

    Deux camps s’affrontent pour cette évaluation. Il y a d’une part un camp peut-être un peu pessimiste qui arrivent aux chiffres élevés que je mentionne. Le site internet Digiconomist est le plus sérieux représentant de ce camp qui exprime une inquiétude et finalement de la méfiance vis-à-vis des crypto-monnaies dont l’empreinte écologique semble déraisonnable. Un autre camp plus optimiste arrive à des chiffres en gros deux fois plus faibles. Son représentant le plus précis est Marc Bevand. Quels que soient les bons chiffres, il est certain qu’il y a une dépense importante d’électricité, qui même en considérant les évaluations des optimistes établit que le fonctionnement du réseau bitcoin brûlera bientôt l’équivalent d’au moins 5% de la dépense électrique de la France, et que cette dépense ira en croissant si l’intérêt pour les crypto-monnaies de type bitcoin se confirme et que leurs cours montent ! En prenant en compte les autres monnaies cryptographiques analogues au bitcoin, il faut doubler l’évaluation optimiste et donc c’est bien au minimum l’équivalent de 10% de la production française que les monnaies cryptographiques vont consommer... en attendant bien plus.

    Le raisonnement qui prouve l’inévitable dépense
    Pour inciter à ce que des acteurs participent à la gestion et à la surveillance du réseau bitcoin — c’est ce qui permet son fonctionnement sans autorité centrale de contrôle —, un système de rémunération a été prévu dès sa conception en 2008 par le mystérieux Satoshi Nakamoto. La rémunération des nœuds du réseau qui le font fonctionner est faite en leur attribuant de nouveaux bitcoins créés périodiquement selon un programme fixé une fois pour toutes : 12,5 bitcoins sont émis toutes les 10 minutes. Ces nouveaux bitcoins ainsi que des commissions liées aux transactions (environ 1 bitcoin le 16-10-2017) qui s’ajoutent aux 12,5 bitcoins ne sont pas répartis entre tous les nœuds mais attribués à un seul nœud du réseau à la suite d’une compétition entre eux. Le concours consiste à résoudre un problème de nature mathématique. Le problème est tel qu’on a d’autant plus de chances de le résoudre en premier — donc de gagner les 12,5 bitcoins émis et les commissions liées aux transactions — qu’on est capable de calculer rapidement une fonction dénommée SHA256. Ceux qui participent à ce concours sont dénommés « les mineurs », par analogie avec les mineurs dans une mine d’or. Ils souhaitent bien sûr augmenter leur probabilité de gagner et se sont donc trouvés pris dans une course, chacun essayant d’avoir une capacité à calculer la fonction SHA256 aussi grande possible, représentant un pourcentage aussi grand que possible de la capacité totale du réseau, puisque c’est ce pourcentage qui fixe leurs revenus.
    Dans un premier temps les calculs de la compétition se faisaient en utilisant des machines courantes et même sur des ordinateurs de bureau ou de cartable. Certains participants ont rapidement compris que les cartes graphiques étaient plus efficaces, c’est-à-dire dépensaient moins d’électricité pour calculer la fonction SHA256. Ils les ont donc utilisés massivement. Rapidement encore, un second pas a été franchi en concevant et en fabriquant des puces spécialisées ASIC (Application-specific integrated circuit) qui calculent la fonction SHA256 et ne font rien d’autre. Aujourd’hui, ceux qui participent à la course au calcul du SHA256 ne sont compétitifs qu’en utilisant de telles puces ASIC qui sont fabriquées par millions et sont perfectionnées d’année en année. Le minage de bitcoins est devenu une industrie, d’ailleurs à 80% localisée en Chine.

    La puissance totale du réseau mesurée par sa capacité à calculer des SHA256 est aujourd’hui colossale. Dix milliards de milliards de calculs de SHA256 (16-10-2017) sont effectués chaque seconde environ (voir ici). Le coût électrique de ce fonctionnement est bien sûr important et à moyen terme  c’est-à-dire en quelques mois  il s’égalise avec un certain pourcentage de la valeur des bitcoins émis et des commissions associées aux transactions.

    Le raisonnement justifiant cette affirmation est simple : lorsque les coûts des systèmes de minage sont supérieurs à ce qu’ils rapportent on cesse de les utiliser ; lorsqu’on sait en faire dont le coût de fonctionnement est inférieur à ce qu’ils font gagner, de nouvelles "mines à bitcoins" se créent puisqu’il y a de l’argent à gagner. La logique de ce système est comparable à celle de l’exploitation des mines d’or : lorsque le cours de l’or baisse, certaines mines d’or ne sont plus rentables, on les ferme ; lorsque le cours monte, des gisements inexploités deviennent intéressants et on y ouvre de nouvelles mines, en même temps que certaines mines qui avaient été fermées sont remises en exploitation. Ces ajustements ne sont pas immédiats, mais en quelques mois par l’implacable logique économique de la recherche du profit se produit un nouvel équilibre entre le coût d’extraction et les gains qu’on en tire.

    Le coût électrique n’est pas le seul coût de la course au calcul de la fonction SHA256 car il faut acheter les puces spécialisées, mettre en place les mines à bitcoins qui sont aujourd’hui de véritables usines composés de plusieurs bâtiments et employant des ouvriers et techniciens par dizaines. On évalue que la consommation électrique représente un pourcentage assez stable du coût de fonctionnement et d’amortissement de ces mines numériques de l’ordre de 50 %. Et donc que l’électricité dépensée est après égalisation entre le coût et le gain (comme pour les mines d’or) de l’ordre de 50% de ce que rapportent les bitcoins créés et les commissions.

    Les optimistes et les pessimistes se disputent principalement sur ce pourcentage difficile à évaluer. C’est d’ailleurs le désaccord sur sa valeur qui explique pour l’essentiel les chiffres contradictoires obtenus entre les deux camps : les optimistes utilisent la valeur 30% ou moins, les pessimistes utilisent 60%, parfois plus. Au final entre les optimistes et les pessimistes on a donc un résultat variant du simple au double, comme nous l’avons déjà indiqué.

    Mais quelle que soit la valeur retenue, il résulte de cette implacable logique économique que plus le cours du bitcoin est élevé plus il y a d’électricité dépensée par ceux qui veulent s’approprier les bitcoins émis et les commissions associées aux transactions. Pour des raisons économiques incontournables, la dépense électrique du réseau bitcoin est donc proportionnelle au cours du bitcoin. Si le bitcoin prend de la valeur, le coût électrique du fonctionnement de son réseau augmente proportionnellement dans les mois qui suivent. De même d’ailleurs s’il baisse, le coût électrique baisse.

    Précision pour être complet que ce raisonnement n’est valable que pendant les périodes où l’émission de nouveaux bitcoins est stable. Or le protocole d’émission des bitcoins, fixé en 2008, a prévu que cette émission est divisée par deux tous les quatre ans. Elle a été divisée par deux le 9 juillet 2016 (passage de 25 à 12,5), elle le sera en 2020 et passera de 12,5 à 6,25 bitcoins par tranche de 10 minutes. Il faudrait donc intégrer dans les prévisions à long terme de la dépense électrique du réseau une division par deux de la dépense électrique une fois tous les quatre ans. Cependant, il faudrait aussi intégrer dans ce calcul la prise en compte des commissions associées aux transactions qui viennent s’ajouter aux bitcoins émis par le protocole et contribuent aussi à la rémunération des mineurs. Ces commissions évoluent de manière complexe, mais en gros elles augmentent en même temps que la valeur du bitcoin. Elles ont d’ailleurs été introduites par Nakamoto pour compenser la division par deux tous les quatre ans et faire qu’il y ait toujours des gens intéressés pour surveiller et faire fonctionner le réseau. On peut accepter l’hypothèse qu’en première approximation ce qu’a prévu Nakamoto se produira, ce qui signifie que dans les prévisions de dépenses électriques futures, on peut ne pas prendre en compte la division par deux tous les quatre ans, compensée par le système des commissions. Au final, on doit donc considérer qu’en ordre de grandeur, 50% des gains des mineurs sont dépensés annuellement en électricité et que cela représente et continuera de représenter 50% de la valeur des bitcoins émis annuellement aujourd’hui, c’est-à-dire 657 000 bitcoins.

    Contrôle direct des calculs mentionnés plus haut.
    Supposons un coût de 0,05 $ par KWh (utilisé par Digiconomist) et un cours de 5000 $ par bitcoin. Cela donne 657000*5000 $ = 3 285 000 000 $ par an de rémunération pour les mineurs. Il leur correspond les quantités d’électricité suivantes selon qu’on est pessimiste, optimiste ou entre les deux :
    Avec 60% [(657000*5000)/(0,05)]0,30 = 39,42 TWh par an
    Avec 30% [(657000*5000)/(0,05)]*0,30 = 19,71 TWh par an
    Avec 50% [(657000*5000)/(0,05)]*0,50 = 32,85 TWh par an

    Ce calcul retrouve à très peu près les 40 TWh par an cités plus haut comme coût électrique annuel actuel du bitcoin dans sa version pessimiste, et les 20 TWh de la version optimiste.

    Avenir impossible *
    Venons-en à l’anticipation de ce qui pourrait se produire si les objectifs des défenseurs du bitcoin étaient atteints : égaler le dollars ou l’euro.
    Aujourd’hui (16-10-2017) la valeur de tous les bitcoins en circulation est d’environ 95 milliards de dollars. C’est une forme d’argent liquide numérique. Il n’est donc pas absurde de comparer cette valeur à la valeur de tous les billets en dollars en circulation qui d’après la FED est de 1500 milliards de dollars (chiffres de décembre 2016). Pour l’euro, on a des chiffres du même ordre de grandeur. Il y a donc 16 fois plus de dollars sous forme de billets qui circulent que de dollars sous forme de bitcoins. Si le volume des bitcoins en circulation devenait en valeur équivalent aux dollars circulant sous forme de billets, il faudrait donc que son cours soit multiplié par 16. En effet les bitcoins émis représente 80% des bitcoins qui seront émis quand les 21 millions prévus par Nakamoto auront été émis. Seule l’augmentation de leur valeur unitaire du bitcoin peut amener à ce que leur total s’approche en valeur du total des billets en dollars en circulation. Une telle multiplication par 16 de la valeur des bitcoins (ou par 13 si on veut prendre en compte les 20% de bitcoins non émis) est en principe tout à fait possible puisqu’une augmentation supérieure du cours vient de se produire ces 2 dernières années.

    Cette multiplication par 16 conduirait la dépense électrique du réseau bitcoins à 320 TWh par an pour les optimistes et à 640 TWh par an pour les pessimistes, c’est-à-dire en ordre de grandeur à la consommation électrique française annuelle.

    Insistons sur le fait que le lien entre l’augmentation de la dépense en électricité et le cours du bitcoin est de nature économique et donc quasiment automatique si on ne change pas fondamentalement le protocole de fonctionnement de la monnaie cryptographique. Rien ne pourra l’arrêter sans une volonté déterminée, soit de la communauté qui en a collectivement le pouvoir mais dont ce n’est pas l’intérêt, soit des États en imposant un contrôle ou en interdisant ce type de mécanisme numérique et économique diabolique.
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    Quand on parle des bitcoins en circulation, qu’on les évalue à 16 millions environ et qu’on dit qu’il n’y en aura jamais plus de 21 millions parce que c’est dans le protocole de départ qu’on ne changera pas, on oublie que certains bitcoins sont perdus, car ils sont sur des comptes dont les clés ont été oubliées. Sauf à casser le système de signature utilisé par bitcoin (ECDSA, à base de courbes elliptiques), ces bitcoins perdus le sont définitivement : personne, jamais ne pourra plus les utiliser, ils sont exactement comme des billets de cent dollars qu’on aurait jetés dans un feu. Il est impossible d’évaluer précisément combien de bitcoins ont ainsi été anéantis, mais il se peut qu’ils soient assez nombreux car au début quand le bitcoin ne valait rien, on n’était pas très attentif et on se moquait d’en perdre. On en a perdu aussi à cause de pannes de disque dur, de vieilles machines jetées sans faire attention, de maladresse dans la manipulation des clefs. Si par exemple 1/3 des bitcoins émis a été perdu, il faut pour atteindre M0 ou M1 avec la valeur de ceux restants, reprendre les évaluations de l’électricité nécessaire et les augmenter de 50%. Je vous laisse faire les calculs.

    Et maintenant une remarque en faveur des optimistes. Nous avons été peut-être un peu simplificateur avec la division d’émission par un facteur deux tous les quatre ans (appelée "halving"). Nous avons supposé que les commissions associées aux transactions compensaient ces pertes de revenus pour les mineurs, ce dont personne aujourd’hui ne peut vraiment être certain. Si ce n’était pas le cas et que les commissions deviennent négligeables (hypothèse extrême en faveur des optimistes) alors l’énergie électrique nécessaire pour atteindre M0 ou M1 est plus faible que celle calculée et dépend maintenant de la date où on envisage d’atteindre ces buts. Si on veut les atteindre d’ici 2 ans pas de changement (car le prochain halving est dans plus de deux ans), si on veut les atteindre d’ici 6 ans, il faut opérer une division par deux des consommations annoncées, si on veut les atteindre d’ici 10 ans, il faut opérer une division par 4 des résultats annoncés, et ainsi de suite avec les couples :
    6 ans/facteur 2 ; 10 ans/facteur 4 ; 14 ans/facteur 8 ; 18 ans/facteur 16 ; 22 ans/facteur 16 ; 26 ans facteur 32 ; 30 ans facteur 64 ; ....

    On arrivera peut-être à des consommations électriques acceptables en attendant plusieurs dizaines d’années, mais est-il raisonnable vraiment de croire que les commissions resteront négligeables, puisque sur le long terme ce sont elles et elles seules qui assurent la rémunération des mineurs.

    Cette vision optimiste n’est pas envisageable pour ethereum puisque le système d’émission des ethers est constant (sans jamais de division par deux). Et cette différence entre les bitcoins et les ethers est une nouvelle source d’inquiétude pour les bitcoins, puisque quand le revenu sera devenu plus intéressant en ethers qu’en bitcoin, les mineurs risquent d’abandonner les bitcoins pour les éthers et le réseau bitcoin s’en trouver gravement fragilisé.
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    En conclusion, l’idée de la blockchain est, sans aucun doute, très bonne lorsqu’on la met en œuvre en renonçant à certaines caractéristiques de la blockchain du bitcoin et par exemple en adoptant l’idée d’une blockchain privée qui n’a pas besoin de méthode d’incitation. C’est la volonté d’avoir un système protégé par la mise d’une quantité colossale de calculs dans le registre des comptes (et donc d’électricité) pour le rendre infalsifiable qui est à l’origine du problème. Malheureusement, cette solidité presque parfaite a un prix qui est l’impossibilité de croissance du cours autorisant le bitcoin un jour à devenir un concurrent véritable du dollar ou de l’euro.

    Entre les systèmes à blockchains privées simples et électriquement viables, et les systèmes à blockchains publiques, totalement décentralisés, ouvertes, anonymes, et disposant d’une configuration extensible des nœuds qui eux semblent absurdes et finalement condamnés par avance, il faut choisir ou inventer des systèmes intermédiaires. Pour donner naissance à une nouvelle monnaie internationale, il sera nécessaire de renoncer à certaines propriétés de la monnaie mise en marche par le génial Nakamoto.

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