Il se pourrait quâune raison soit dans la nature des propos tenus par la syndicaliste inspectrice. MĂȘme si ceux-ci ne sont ni injurieux, ni outranciers, ils prennent Ă parti directement Mme la ministre du travail. DâaprĂšs la chansonnette, « elle court derriĂšre le patronat ; elle court pour dĂ©truire nos droits ». Peut-ĂȘtre aussi le contexte de la manifestation a-t-il jouĂ© un rĂŽle ? Celle-ci sâopposait Ă certaine idĂ©ologie managĂ©riale et Ă la venue Ă un congrĂšs de DRH de Mme la ministre, oĂč elle Ă©tait annoncĂ©e comme la « DRH de lâentreprise France ». La ministre elle-mĂȘme Ă©tait donc visĂ©e. Or personne nâaime ĂȘtre caricaturĂ©, surtout dans une chanson. Et personne nâaime ĂȘtre contestĂ©, surtout par une manifestation. Dâailleurs, plus gĂ©nĂ©ralement, aucun pouvoir nâaime ĂȘtre critiquĂ©. Et lorsque la critique est acerbe et quâelle vient dâun subordonnĂ©, le pouvoir a toujours lâenvie de rĂ©agir. Cette envie est bien comprĂ©hensible, bien naturelle. Elle explique la rĂ©action ministĂ©rielle.
Mais cette pulsion du pouvoir est aussi la raison pour laquelle, en dĂ©mocratie, les opposants doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s. Câest le sens de la libertĂ© dâexpression et de la libertĂ© syndicale. La dĂ©mocratie exige du pouvoir quâil protĂšge ceux qui le limitent, ceux qui le contredisent et ceux qui le critiquent. Mais que câest dur ! Surtout lorsquâon perd la culture de la dĂ©mocratie au profit dâune certaine culture managĂ©riale.
Dans lâunivers des idĂ©es dĂ©mocratiques et sociales, les agents des services de lâinspection du travail sont des fonctionnaires indĂ©pendants, qui ont notamment pour fonction de lutter contre la discrimination syndicale afin de permettre lâexpression de contre-pouvoirs dans les entreprises. Câest ce qui dĂ©coule dâune convention internationale, de rang mondial, conclue en 1947 au sein de lâOIT, ratifiĂ©e par la France. Mme PĂ©nicaud, en sa qualitĂ© de ministre du travail, a pour fonction dâassurer le respect de cette convention. Pourtant, tel un pompier pyromane, son ministĂšre rĂ©agit en sens inverse de ses fonctions.
Pour que cette dĂ©rive autoritaire cesse, nous appelons le ministĂšre du travail Ă ne pas sanctionner lâinspectrice suspendue pour une soi-disant « faute grave » qui nâest que lâexercice de son droit syndical, Ă annuler les blĂąmes dont certains syndicalistes ont fait lâobjet suite Ă leur action de soutien Ă des sans-papiers, Ă redevenir le dĂ©fenseur de la libertĂ© syndicale dont notre dĂ©mocratie, politique et sociale, a le plus grand besoin. En un mot, nous appelons le ministĂšre du travail Ă se rappeler de ce quâil est et ne doit pas cesser dâĂȘtre.
Pour avoir poussĂ© la chansonnette satirique et donnĂ© une interview Ă lâoccasion dâune manifestation syndicale, une inspectrice du travail est actuellement suspendue de ses fonctions, dans lâattente de passer devant une commission disciplinaire, le 14 dĂ©cembre prochain.