• Un âge critique. La #ménopause sous le regard des médecins des XVIIIe et XIXe siècles
    http://journals.openedition.org/clio/1471

    Si l’on possède peu de témoignages sur la manière dont les #femmes du XIXe siècle ont vécu le vieillissement, les discours des médecins sur cette question abondent. La ménopause est décrite par eux comme une période particulièrement dangereuse qui, à l’instar de la puberté, bouleverse toute l’économie de la femme. Au nombre des maladies qui sont susceptibles de l’assaillir lorsque s’interrompt le mécanisme régulateur que représentait la menstruation s’ajoute la blessure narcissique que provoque la perte de sa féminité et l’entrée dans l’âge de décrépitude. Plus encore, la femme perdant avec la faculté d’engendrer sa vocation sociale (la maternité), cette période, souvent qualifiée d’âge critique ou d’âge dangereux, s’annonce comme une véritable mort sociale. Privée de sa capacité de séduction, fragilisée par la révolution physiologique qui s’opère en elle, la femme, encouragée à se retirer d’un monde où elle ne peut plus briller, est plus que jamais assignée à la sphère privée.

    #histoire #historicisation
    #misogynie #violence_médicale #gynécologie

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    Ménopause : le début de la fin ?
    http://sexes.blogs.liberation.fr/2019/10/23/menopause-le-debut-de-la-fin

    Version remaniée d’une thèse de doctorat préparée sous la direction de David Le Breton, à l’université de Strasbourg, La Fabrique de la ménopause (éditions du CNRS, 2019) questionne le vocabulaire lié à la ménopause en Occident : « involution », « déficience », « dégénescence ». Pourquoi la fin des cycles est-elle vécu comme la fin tout court ? Enquêtant sur ce qu’elle appelle « la culture de la ménopause » –une culture qui voit le jour au XIXe siècle, sous l’impulsion des médecins–, Cécile Charlap s’étonne : la représentation des femmes qui ne saignent plus est extrêmement différente selon les pays. « Dans certaines sociétés traditionnelles, la ménopause va de pair avec un accroissement des possibles et des pouvoirs. » Ainsi, chez les Baruyas en Nouvelle-Guinée, les femmes qui ne sont plus réglées peuvent s’arroger « des libertés de parole et d’action » qui leur permettent non seulement de jouer des rôles politiques mais de participer aux décisions lors de conflits et de guerres.

    Femme ménopausée : libérée

    Puisant dans les travaux d’ethnographie, Cécile Charlap donne plusieurs exemples significatifs de cette conception « positive » de la ménopause. « Au sein de la société Gouro, en Côte-d’Ivoire, les femmes ménopausées peuvent participer aux sacrifices pour les ancêtres. […] Chez les Indiens Piegan au Canada, à partir de la ménopause, certaines femmes peuvent devenir “femmes à coeur d’homme” et développer des pratiques réservées aux hommes. » Elles chantent des chants virils et interviennent dans les conversations d’homme, signe de leur émancipation. Chez les Lobi, au Burkina Faso, la cessation des règles marque de façon similaire le début d’une nouvelle vie, enfin libérée des tabous du sang : les femmes devenues infertiles acquièrent une position sociale plus élevée et le droit de manipuler les outils cultuels, à l’instar des hommes. « Une femme ménopausée, ce n’est plus une véritable femme », « c’est comme un homme » disent les Lobi. Entendez par là : un être puissant. Chez les Beti au Cameroun, on parle de nya mininga : une « femme importante », capable de siéger au tribunal coutumier.

    Tabou du sang féminin : une histoire de pôles

    Comment comprendre que la fin des règles marque si souvent l’accès des femmes au pouvoir ? Simple. Il suffit de relire Françoise Héritier ou Alain Testart. Suivant la loi de polarité, « les contraires s’attirent et les semblables se repoussent ». Cette loi s’applique couramment dans l’univers symbolique du sang. C’est la raison pour laquelle les femmes menstruées sont exclues des activités qui visent à faire couler du sang : étant donné qu’elles saignent, elles feraient tout rater. Un autre sang ne peut pas couler en leur présence. Voilà pourquoi, pratiquement dans le monde entier, tuer est un travail d’homme. Les femmes sont écartées des activités guerrières ou chasseresses mais aussi des cultes religieux (car ils impliquent le sacrifice), du travail de la forge (car le métal en fusion évoque le sang), du travail de la vigne (car le jus de raisin est pourpre) et même du travail des ruchers (car le miel est le sang des fleurs). J’en avais déjà parlé dans un article sur la mayonnaise : le phénomène des menstrues est jugé, presqu’universellement, incompatible avec une fonction impliquant le contact avec du sang.

    Pas d’accord avec le dernier paragraphe qui est sensé expliqué la misogynie et les lois discriminantes contre les femmes par le tabou du sang menstruel. Mais c’est pas une explication, le sang menstruel n’est pas tabou en soi, ni par essence, ni par nature. C’est pour légitimé leurs comportements misogynes que les hommes ont trouvé le bon filon du tabou de ce sang.

    Pour le fait de permettre aux femmes ménopausées d’être comme des hommes (allant jusqu’au privilège de "s’arroger « des libertés de parole et d’action »") montre aussi que le transgenrisme est parfaitement compatible avec la misogynie la plus profonde.