• Prison et « peines alternatives » : du clivage politique au mirage empirique - Kinea
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    En matière carcérale, le clivage politique demeure particulièrement vif entre une droite s’affichant comme répressive et une gauche taxée d’angélisme. La réforme pénale du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales en a donné une récente illustration.1 Plus largement, l’accusation faite au gouvernement de vouloir « vider les prisons » a été contredite par l’évolution de la population carcérale depuis le début du dernier quinquennat : au 1er juillet 2016, il y avait 2 000 détenus de plus qu’au 1er juillet 2012, pour atteindre un record sans précédent de 69 375 personnes incarcérées. Face au constat d’une inflation carcérale pratiquement continue depuis quinze ans, la place des « peines alternatives à la prison » mérite d’être questionnée. Quel est réellement leur poids dans le volume des sanctions et en quoi consiste leur exécution ? Au-delà de la mise en scène des clivages partisans, l’étude empirique de ces sanctions révèle le mirage sur lequel repose une telle opposition. Derrière la variété des sanctions pénales, la plupart d’entre elles ne se substituent pas à la prison mais viennent au contraire s’y ajouter. Par ailleurs, le manque de moyens consacrés à ces sanctions, conjugué à l’évolution des politiques pénitentiaires font que le contenu de ces mesures constitue moins une alternative au modèle carcéral que son prolongement à ciel ouvert.
    Une gamme de sanctions illisible et complexe qui participe à l’extension du filet pénal2

    Si les débats liés à la réforme pénale se sont cristallisés sur la création d’une nouvelle sanction qualifiée de « contrainte pénale », il existe en réalité depuis longtemps une vaste gamme de mesures censées limiter le recours à l’incarcération aux différents stades de la procédure pénale.3 Celles-ci ont cependant été créées puis modifiées depuis plus de cinquante ans par ajouts et retouches successives, au gré du contexte politique et des faits divers, sans cohérence ni vision d’ensemble. Leur lisibilité aux yeux de l’opinion publique, des condamnés, voire des magistrats eux-mêmes, s’en trouve fortement compromise. Au-delà de la complexité des catégories juridiques, on peut empiriquement distinguer quatre grands types de mesures : les sanctions financières, les peines d’emprisonnement, les mesures en milieu ouvert et enfin les mesures d’éducation, d’interdiction ou de confiscation.