Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Reconnaissance des cultures populaires : comment Johnny a gagné une manche
    https://theconversation.com/reconnaissance-des-cultures-populaires-comment-johnny-a-gagne-une-m

    Mardi 5 décembre, en conférence à Metz, sûrement influencé par ce mail, en présence de nombreux spécialistes de l’histoire de l’art, je présente mes travaux sur les pratiques culturelles et je prends comme exemple Johnny, exposant en substance que d’un point de vue pragmatiste, si l’on se dégage des hiérarchies artistiques légitimes, on peut mettre sur le même plan une œuvre d’histoire de l’art et écouter Johnny.

    Je poursuis en soulignant que si l’on considère les pratiques culturelles comme une action collective dont le fondement est l’expérience esthétique, on peut tout à fait comparer le fait d’écouter Johnny et celui d’écouter Mozart. L’essentiel est alors ce que l’auditeur dit ressentir, et Johnny provoque cette émotion pour son public.

    Malgré la teneur sociologique de mes propos, dans la salle, l’objectivité n’est plus de mise. Les raclements de gorges se mêlent aux regards mi-condescendants, mi-amusés, et nombre d’entre eux se font méprisants.

    Mercredi 6 décembre, Johnny est mort.

    Dès 7h30 ce matin, je n’en peux plus : c’était prévisible, les médias en font (beaucoup) trop. J’éteins la radio. Le combat pour la reconnaissance des cultures populaires et de leur pleine légitimité n’est pas fini, mais je me dis que Johnny a gagné une manche. Je pense à Nicolas Demorand que j’écoutais, je me demande s’il écoutait Johnny, j’ai des doutes, je me trompe peut-être.

    Néanmoins, les pratiques culturelles et les goûts esthétiques sont indexés sur les milieux sociaux, et dans les milieux intellectuels, universitaires, journalistiques, Johnny génère – au mieux – une condescendance amusée. Je n’ai jamais entendu personne dire sérieusement, « J’aime Johnny », à part Fabrice Lucchini. Dans ces milieux, on peut aimer le rock’n’roll, mais pas n’importe lequel. Johnny, on l’aime bien, mais l’écouterait-on sans culpabilité ? Il faut plutôt convoquer une bonne excuse ou une bonne dose de snobisme cynique.

    Je pense néanmoins que Johnny a gagné une manche. Aujourd’hui en effet, de même que dans les milieux populaires on ne peut pas avouer en public que l’on n’aime pas un grand artiste (Picasso, Proust, Mozart) il est difficile – toutes origines sociales confondues – de dire en public que l’on n’aime pas Johnny. Ce 6 décembre 2017, tout le monde aime Johnny ! Est-ce à dire que les hiérarchies et les légitimités esthétiques bougent ? Pas vraiment, mais à travers tous les hommages rendus, une pratique culturelle minorée bien que majoritaire est reconnue à l’outrance. Une reconnaissance de l’idole plutôt que de son œuvre, certes, mais c’est déjà beaucoup, tant la domination sociale est fondée sur la mise en invisibilité médiatique.

    #Johnny_Hallyday