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NI ACTUALITÉS NI COMMENTAIRES, ..... DU COPIER-COLLER ET DES LIENS... Un blog de « curation de contenu » : 82 LIVRES , 171 TEXTES et 34 DOCUMENTAIRES :

  • Dans le nord de la Syrie, le « laboratoire » kurde

    http://www.lemonde.fr/international/article/2017/12/29/dans-le-nord-de-la-syrie-le-laboratoire-kurde_5235529_3210.html

    « Après le califat » (4|5). Les Kurdes, qui ont joué un rôle central dans la bataille contre l’Etat islamique, mettent en place un modèle de gouvernance calqué sur l’idéologie du Parti des travailleurs.

    Voilà bien longtemps que l’on ne projette plus de films dans l’ancien cinéma d’Al-Thawra. La petite salle appartient au temps révolu où cette ville nouvelle syrienne des bords de l’Euphrate était appelée à devenir la cité idéale du baathisme autoritaire et triomphant des années 1970. Des ingénieurs soviétiques affectés à la construction du barrage voisin — un fleuron national, visible sur les anciens billets de 500 livres syriennes — y vivaient avec leurs familles et celles de leurs collègues locaux.

    Autour du cinéma, les rues sont tracées au cordeau, les immeubles d’habitation ressemblent à des blocs de béton brut de quatre étages. Des figures schématiques d’épis de blé et d’engrenages industriels servent d’ornement urbain. L’ensemble, construit selon les canons de l’urbanisme alors en vogue en URSS, alliée du régime syrien, raconte la promesse non tenue d’un avenir radieux.

    Quatre décennies après sa construction, ce songe architectural soviétique perdu aux confins de la Mésopotamie est tombée aux mains de l’organisation Etat islamique (EI), en même temps que le bourg voisin de Tabqa, en 2014. Rakka, l’ancienne capitale syrienne du « califat », est à une quarantaine de kilomètres en aval.

    Etrange rémanence de l’histoire… Ces quartiers ont accueilli un temps des djihadistes originaires d’ex-URSS. Mais leur utopie totalitaire, elle aussi, a vécu. Au printemps, les frappes de la coalition internationale, dirigée par les Etats-Unis, les ont chassés de ce paysage à l’optimisme décrépi, désormais ponctué de bâtiments effondrés. Aux djihadistes ont succédé, en mai, les Forces démocratiques syriennes (FDS), un groupement arabo-kurde allié au sol de la coalition dans sa guerre contre l’EI.

    Abdullah Öcalan, l’inspirateur

    Depuis, les murs du cinéma d’Al-Thawra ont été repeints. En ce matin gris du début du mois de novembre, la salle est pleine. Sur la scène, deux femmes et deux hommes, dont l’un porte une tenue traditionnelle de chef tribal, discourent. Au-dessus d’eux, cet écriteau : « Administration civile démocratique de Tabqa ». Cette nouvelle structure mise en place par l’encadrement kurde des FDS nomme ce jour-là son conseil exécutif, sous le regard bienveillant et vigilant des kadros, les commissaires politiques du mouvement kurde qui s’adressent à tous en donnant du « camarade ».

    Femmes et hommes au physique dur, marqués par leurs années de guérilla, combattants à la parole précise, forgée par une formation théorique implacable, ils sont présents partout où les FDS ont pris pied dans le nord de la Syrie. Leur rôle : superviser l’instauration, sur les décombres du « califat », d’institutions conformes à l’idéologie mise au point par Abdullah Öcalan, le fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

    Autrefois marxiste-léniniste, ce mouvement politique et militaire, en guerre contre l’Etat turc, a presque l’âge de la ville idéale d’Al-Thawra. Sa création remonte à 1978, au cours d’une réunion nocturne dans un village kurde reculé d’Anatolie orientale. Elle doit beaucoup à la volonté d’un groupe d’étudiants kurdes de Turquie. Formés aux méthodes de la gauche radicale locale, ils sont décidés à faire d’un nationalisme kurde, alors moribond, une force anticoloniale dirigée contre Ankara.


    Monument aux martyrs kurdes à Kamechliyé, ville syrienne située à la frontière turque, le 23 novembre.

    Près de quarante ans ont passé. Même s’il est toujours en conflit avec Ankara, le PKK a renoncé à la sécession et professe dorénavant un assemblage de principes autogestionnaires, féministes et écologistes. Il s’est éloigné du nationalisme kurde pour embrasser le projet d’une émancipation des peuples du Moyen-Orient par leur « autoadministration » et l’abandon du modèle de l’Etat-nation.

    Öcalan, le fondateur vénéré comme une icône, a beau être détenu sur une île-prison de la mer de Marmara, au large d’Istanbul, depuis son arrestation, en 1999 au Kenya par les forces spéciales turques, le PKK est plus puissant que jamais. L’organisation veille à entretenir son ancrage chez les Kurdes de Turquie, délocalisant ses bases de guérilla dans les zones montagneuses du Kurdistan d’Irak pour mieux les protéger et étendant ses ramifications au Moyen-Orient et en Europe. C’est pourtant le conflit syrien qui lui a permis d’ouvrir une nouvelle page de son histoire, et la lutte contre l’EI qui en a fait un acteur majeur de la scène régionale.

    Dès les premiers troubles révolutionnaires de 2011 en Syrie, les enclaves kurdes du nord du pays, qui avaient fourni à l’organisation d’Öcalan une part non négligeable de ses recrues depuis les années 1980, sont investies par des cadres du PKK. Le régime syrien ne conserve qu’une présence très limitée dans ces zones. Elles offrent ainsi au PKK et à ses cousins syriens un terrain idéal pour la mise en pratique de leur idéologie.

    De nouvelles institutions sont mises sur pied. La parité est imposée aux postes à responsabilités. Des komin — communes populaires — sont établies, censées être la cellule de base de l’écosystème sociopolitique qui voit le jour sous la houlette des kadros. Ils ne veulent pas prendre part à une révolution contre le régime syrien qu’ils estiment perdue d’avance, mais profiter de la vacance du pouvoir pour créer leur propre mode de gouvernance.

    Un appareil sécuritaire et militaire

    Dans le même temps, la machine politique se double d’un appareil sécuritaire et militaire structuré. Les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités de protection de la femme (YPJ) sont créées dans les trois « cantons kurdes » d’Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie, de la Djezireh, dans le Nord-Est, et de Kobané, à la frontière turque. L’offensive de l’EI contre cette petite localité kurde isolée, à la fin de 2014, change la donne. Alors que Kobané est sur le point de tomber aux mains des djihadistes malgré la résistance acharnée de ses défenseurs — filmée par les caméras du monde entier de la Turquie voisine —, la coalition internationale à dominante américaine intervient dans les airs.

    Cette assistance apportée dans l’urgence se mue bientôt en un partenariat militaire durable. Les forces kurdes sont dotées d’un encadrement efficace, d’une idéologie forte qui les rend imperméables au radicalisme islamique. Au-delà, elles ne considèrent pas la lutte contre le régime de Damas comme une priorité. Dès lors, elles constituent le partenaire idéal qu’il manquait à la coalition pour vaincre l’EI en Syrie.

    « Kobané a tout changé pour nous », admet un haut kadro kurde, le « camarade » Badran. « Il y a eu un changement dans l’équilibre des forces, se souvient-il. Nous sommes devenus les partenaires de la coalition pour combattre le terrorisme. Et cela nous a permis de jouer un rôle plus important qu’avant sur le terrain. » Dès 2015, les unités YPG et YPJ sortent des enclaves kurdes et progressent le long de la frontière syro-turque, dont elles interdisent l’accès aux djihadistes, tout en se préparant à lancer l’offensive sur Rakka.

    L’aide de la coalition se renforce et les unités à dominante kurde, désormais regroupées avec leurs alliés arabes au sein des FDS, avancent vers le sud, finissant par s’emparer de Rakka en octobre 2017, avant de poursuivre leur progression vers la frontière irakienne, le long de l’Euphrate et à travers le désert de l’Est syrien.

    Femmes en uniformes et chefs tribaux arabes

    C’est ainsi qu’en Syrie, la guerre menée par la coalition a provoqué l’émergence dans son sillage d’un territoire politique dont l’étendue correspond grossièrement à la rive gauche de l’Euphrate. Ce sont les FDS, emmenés par un corps de cadres kurdes, qui l’ont organisé et se sont chargés de lui faire prendre forme. Ces hommes et ces femmes, inspirés par une organisation issue de l’extrême gauche turque et du nationalisme kurde convertie aujourd’hui à l’autogestion, ont organisé un vaste territoire à large majorité arabe à mesure qu’offensive après offensive, l’EI en était chassé.

    Dans l’ancienne salle de cinéma d’Al-Thawra, alors que l’Administration civile démocratique de Tabqa élit son conseil exécutif local et ses comités paritaires, l’avenir nébuleux de l’après-guerre se lit dans les travées et sur les murs. L’assistance composée de jeunes femmes kurdes en uniformes, de chefs tribaux arabes en habits traditionnels, de dames aux voiles fleuris et de garçons en tenues décontractées, approuve à main levée la nomination de ses délégués. La salle est décorée de banderoles couvertes de slogans : « La réalité de la nation démocratique est la coexistence entre les peuples » ; « Les femmes ont le droit de s’auto-organiser de manière indépendante »


    A Tabqa, certains quartiers ont été endommagés par la guerre. Malgré leurs habitations en partie détruites, les civils y vivent encore. Des enfants jouent à la guerre devant une de ces maisons ravagées.

    Ces slogans ont été écrits uniquement en arabe. La rhétorique est bien celle des cadres kurdes mais ici, à Al-Thawra et à Tabqa, il n’est pas opportun de mettre cette identité en avant. « Nous sommes d’abord syriens ! », dit une kadro kurde présente sur le parvis du cinéma alors que la réunion se termine et que l’assistance hétéroclite s’éparpille en petits groupes. « Nous participons à la construction d’une Syrie démocratique pour tous les peuples en suivant les idées du président Öcalan », précise cette femme d’une quarantaine d’années.

    Alliances de circonstances

    La mise sobre, voire ascétique, qu’elle arbore, son air militaire malgré les vêtements civils, son phrasé kurde, émaillé de néologismes propres au mouvement, racontent la nature d’une organisation en mesure de transformer le corps et l’esprit de celles et ceux qui la servent. Cette avant-garde, formée dans les bases reculées de l’organisation, au Kurdistan irakien, est déployée partout où le mouvement combat, gouverne ou maintient une présence. Ses membres ont perdu leurs noms de naissance, remplacés par des pseudonymes. Le mariage leur est interdit, de même que les possessions matérielles. Leur existence est vouée au PKK et à son implacable aspiration à transformer le réel.

    Leur présence tranche, devant l’ancien cinéma, avec celle de certaines personnalités tribales de la région, connues pour avoir frayé avec les anciens maîtres djihadistes de Tabqa. « Bien entendu, nombreux sont les chefs de tribu qui ont fait allégeance à Daech, reconnaît le cheikh Hamid Al-Freidj, coprésident du Conseil de Tabqa. Ils sont ensuite venus voir les camarades [des FDS] et il y a eu une procédure de réconciliation. Ils leur ont donné une nouvelle chance. » L’entrée de la salle, désormais vide, est surmontée d’un slogan qui semble sonner plus juste que les pétitions de principe affichées ailleurs avec grandiloquence : « Nos victoires ne sont pas définies par le nombre des ennemis tués mais par le nombre de ceux que nous rallions. »

    Alors que l’idéologie de l’encadrement kurde a remplacé celle des djihadistes de l’Etat islamique, les cheikhs tribaux collaborent au nouveau système comme ils s’étaient accommodés du précédent. « Il faut réunir les gens de bonne volonté pour avancer… », justifie un cadre kurde, le camarade Shiyar, face au paradoxe apparent de la politique menée par les FDS : proposer un changement révolutionnaire en s’appuyant sur les structures sociales les plus conservatrices.

    Pas seulement un projet kurde

    La cheville ouvrière de ce grand dessein paradoxal s’appelle Omar Allouche. Ancien homme d’affaires originaire de Kobané, M. Allouche n’est pas un cadre mais un compagnon de route du mouvement kurde. Il déclare avoir été l’un des premiers à accueillir Abdullah Öcalan, lorsqu’en 1979 celui-ci était venu se réfugier en Syrie pour échapper aux forces de sécurité turques. Depuis le retour de l’organisation dans le pays, il a mis à sa disposition son entregent et un vaste réseau de contacts parmi les notables arabes. « Depuis le début, nous savions qu’il allait falloir compter avec les populations arabes et que notre projet en Syrie ne pourrait pas être seulement un projet kurde », précise Omar Allouche.


    Statue à l’effigie d’un soldat kurde martyr mort au combat à Kobané, le 20 novembre. Le doigt sur la gâchette, car il est mort dans cette position.

    De fait, les trois enclaves kurdes du nord du pays que le mouvement aspirait à réunir en une bande territoriale continue sont séparées par de vastes zones de populations arabes. « Nous avons commencé par créer des partis politiques arabes, mais ça n’a pas fonctionné. La seule solution, c’était de s’appuyer sur les tribus », dit M. Allouche.

    Le début du partenariat entre les forces kurdes et la coalition internationale a conforté les dirigeants des FDS dans leur pari tribal. En reculant, les djihadistes laissaient derrière eux une société sinistrée où l’encadrement politique kurde pouvait faire émerger des intermédiaires. « Le politique ne peut pas se faire sans le militaire », confiait au printemps Omar Allouche dans la bourgade d’Aïn Issa, où se trouvent les locaux du Conseil civil de Rakka, alors que les FDS s’apprêtaient à lancer l’assaut sur la capitale djihadiste.

    Isolés par la Turquie

    « Avant chaque offensive, nous avons travaillé à la constitution de conseils locaux composés de personnes hostiles à Daech, tout en maintenant des contacts avec des notables présents à l’intérieur des zones qui étaient visées », expliquait-il alors. L’installation de ces institutions dans les zones reprises à l’EI va ensuite de pair avec le recrutement massif de jeunes hommes arabes dans des FDS, bien qu’elles demeurent encadrées par des commandants kurdes.

    La mise sur pied du Conseil civil de Rakka a suivi cette logique. Sa composition occupait déjà Omar Allouche plus d’un an avant le début des opérations militaires. « La coalition internationale considère que sa mission en Syrie est de détruire l’Etat islamique. Elle s’intéresse uniquement au militaire, pas au politique », dit-il, tout en regrettant le manque d’engagement en matière civile de la part des alliés occidentaux des FDS. Si le Conseil civil de Rakka a finalement été reconnu comme l’acteur de référence pour la gouvernance de cette ville et de ses environs, il ne bénéficie que d’un soutien diplomatique limité. En cause, la position de la Turquie. « Les pays occidentaux coopèrent avec nous militairement mais ils ne sont pas prêts à s’investir davantage en raison de leurs relations avec la Turquie », constate Omar Allouche.

    Du point de vue turc en effet, le territoire que se sont taillé les FDS dans le nord de la Syrie est perçu comme une menace existentielle, tandis que le PKK poursuit sa guérilla contre les forces armées d’Ankara dans les régions kurdes du sud-est du pays, contiguës du territoire des FDS. Pour cette raison, la nature révolutionnaire du mouvement, l’ampleur de son projet et sa vocation universaliste tendent à échapper à ses interlocuteurs étrangers. Souvent perçu comme un simple représentant des intérêts de la minorité kurde de Syrie, le mouvement entend se distinguer nettement de cette posture, ses revendications ne concernant pas les droits d’une population particulière mais un modèle de gouvernance.


    Un soldat des forces démocratiques syriennes, (FDS) chauffe de l’eau à Raqqah, le 17 novembre.

    Face au régime de Damas

    « Les gens qui dirigent ce projet pensent sincèrement que les Etats-nations ont échoué. Il faut qu’ils continuent à effacer toute trace de nationalisme dans leur pratique, estime à Kamechliyé, Hikmet Al-Habib, un membre arabe d’une des structures de gouvernance instaurées par les FDS. Mais ils font des efforts. Au début les Kurdes appelaient cette zone le “Kurdistan occidental”, ensuite le Rojava (« l’ouest » en kurde). Maintenant ils parlent du nord de la Syrie… »

    Si la direction des FDS demeure essentiellement kurde, la formation de cadres locaux a commencé. « Pas besoin de les envoyer dans les montagnes, assure Hikmet Al-Habib. Des académies ont été créées ici pour former des kadros arabes. » L’enseignement qui y est dispensé est directement inspiré de l’idéologie du mouvement et de son chef historique, Abdullah Öcalan.

    Avec le reflux de l’EI, l’ancien territoire du « califat » en Syrie est désormais partagé entre le mouvement kurde et ses alliés locaux d’une part, et le régime de Damas de l’autre. La vallée de l’Euphrate dessine la limite entre ces deux blocs. « En Syrie, aujourd’hui, il n’y a plus que nous et le régime », rappelait, après la chute de Rakka, la camarade Badran : « Soit on coopère, soit c’est le chaos. » De fait, le mouvement kurde et les FDS contrôlent non seulement le grenier à blé du pays mais également ses principales infrastructures hydroélectriques, ainsi que d’importantes ressources naturelles. A l’automne 2016, à la suite de la chute de Rakka, les FDS ont ainsi chassé les djihadistes des vastes champs d’hydrocarbures de la province de Deir ez-Zor, y compris le champ gazier d’Omar, le plus grand de Syrie.

    L’espoir d’une reconnaissance politique

    Bien que les deux parties aient un intérêt mutuel à coopérer, leur vision de l’avenir diffère. Le régime de Bachar Al-Assad entend reprendre possession de l’ensemble du territoire national et y restaurer son autorité. Les FDS, eux, entendent obtenir la reconnaissance formelle de leurs acquis politiques dans le Nord par une nouvelle Constitution. « Nous refusons tout arrangement ponctuel avec le régime sans cadre général », répondait en novembre Fawza Youssef, membre éminente du mouvement kurde en Syrie. « Il faut que nous négociions un accord global alors que nous sommes en position de force, ajoutait-elle. Les accords locaux donnent l’occasion au régime de se renforcer pour redevenir une menace dans quelques années. Nous voulons un changement de Constitution et la construction d’une Syrie fédérale et démocratique. Jusqu’à ce que cet accord soit trouvé, nous renforçons notre modèle : une autonomie géographique, qui n’est pas fondée sur l’appartenance ethnique. »

    En octobre et en décembre, des élections locales et législatives ont eu lieu dans les zones tenues par les FDS. Ces scrutins, qui n’avaient rien de déterminant du point de vue politique, visaient à approfondir un système qui continue d’évoluer et de se structurer tant qu’il a l’espace pour le faire.

    Face à Damas, la partie kurde est prête à négocier l’intégration des FDS, qui n’ont pas cessé de recruter depuis la bataille de Rakka, à une nouvelle armée syrienne, ainsi qu’à partager le contrôle des frontières et à organiser celui des revenus issus de l’exploitation des ressources naturelles. Le régime, en revanche, multiplie les signaux négatifs, révélateurs de son raidissement : le territoire en formation dans le nord de la Syrie est systématiquement désigné comme un espace à reconquérir et ceux qui le dirigent comme des « traîtres ».

    Sans le soutien de la coalition, que les FDS jugent dépourvue de vision politique en Syrie, le mouvement a placé ses espoirs dans un éventuel rôle de médiation de la Russie, alliée du régime et avec laquelle il coopère localement dans l’enclave kurde d’Afrine, dans le Nord-Ouest. La posture offensive du régime de Damas et la rhétorique de plus en plus incendiaire de ses responsables risquent cependant de semer le trouble parmi les alliés arabes du mouvement kurde. Hikmet Al-Habib, un cadre arabe des FDS, l’admettait récemment :

    « Beaucoup de chefs tribaux sont des opportunistes qui suivent le sens du vent. Maintenant que l’Etat islamique est vaincu et que le régime et nous sommes face à face, ils hésitent à choisir leur camp. »