• #Iran : naissance d’une « troisième force »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/030118/iran-naissance-d-une-troisieme-force

    L’agitation se poursuit en Iran, gagne de nouvelles villes et prend une coloration très anti-religieuse. Contrairement à 2009, « c’est vraiment le peuple qui est dans la rue », notent les observateurs. Le clivage réformateurs-radicaux est dépassé. On compte une vingtaine de morts et des milliers d’arrestations.

    #International #manifestations

    • « Mollahs, quittez l’Iran »

      La révolte en cours oppose les exclus du système à ceux qui en tirent profit, les pauvres à ceux qui bénéficient de la rente pétrolière, les victimes de la corruption sans frein à ceux qui en sont les instruments. D’ailleurs, depuis le début de la contestation, les personnalités du camp réformateur sont restées muettes ou ont condamné l’agitation. Car, cette fois, c’est toute la république islamique qui est mise en cause par les manifestants, lesquels apparaissent désormais comme une troisième force sur le théâtre iranien. Une force certes inorganisée et sans leadership mais qui rejette à la fois les dignitaires du régime, les institutions religieuses et même l’islam en général, au risque pour les meneurs d’être condamnés à mort. (...)
      Pour l’essentiel, souligne Reza Moini, qui depuis cinq jours étudie les vidéos postées sur les réseaux sociaux, ce sont des ouvriers, et plus encore des fils d’ouvriers et des chômeurs qui constituent le gros des rassemblements. « C’est vraiment le peuple qui est dans la rue, pas les étudiants et les BCBG de 2009, qui, après les manifestations, allaient manger leurs pizzas. Et faut entendre ce que les gens disent pour mesurer l’ampleur de leur dénuement. Ils ont l’impression d’être traités comme des chiens », indique-t-il.

      Il cite le témoignage d’un ouvrier qui depuis huit mois ne touche qu’un acompte mensuel de 50 000 tomans sur son maigre salaire de 700 000 tomans (140 euros) et n’arrive plus à nourrir ses quatre enfants. Ou celui d’une mère de « martyr » (de la guerre Iran-Irak) de la ville de Khorramabad à ce point désespérée qu’elle tient à témoigner de sa colère sous son propre nom. Il ajoute, ce que confirment d’autres observateurs, que les rassemblements de protestation ont commencé bien avant la première manifestation, la semaine dernière, à Mechhed : « J’en ai compté un millier sur une année. Mais on ne les voyait pas. Ils passaient inaperçus. Certains, pourtant, avaient lieu à Téhéran, devant le Majlis [Parlement]. »

      Or les sanctions économiques n’ont pas empêché, et sans doute l’ont-elles favorisée, une partie de l’élite économique de devenir encore plus riche. Cette richesse est par ailleurs de plus en plus ostensible en Iran. Voire outrancière dans le nord de Téhéran, où prolifèrent les magasins de grand luxe et les concessions de voitures de sport comme Maserati ou Porsche (qui fait dans ce pays l’un de ses plus gros chiffres d’affaires) et dont les propriétaires font souvent partie de la clientèle du régime. Dans ce contexte est intervenue la publication, le 19 décembre, du budget pour l’année à venir (mars 2018-février 2019), qui prévoit notamment une augmentation de 50 % du prix du gasoil et la suspension d’un soutien financier à quelque 34 millions de personnes.
      Déjà, en décembre, le prix des œufs et de la volaille avait de nouveau augmenté, atteignant une hausse de 50 % en un an, selon les chiffres de la Banque centrale iranienne. Dans ce budget, toutefois, on découvre la part extraordinaire qui échappe à l’État – quelque 200 milliards sur 367 milliards de tomans – pour revenir à l’establishment politico-religieux, aux fondations religieuses, aux centres de recherche liés aux gardiens de la révolution, et à d’autres institutions non élues associées au régime. C’est ainsi que le mausolée de l’imam Khomeiny (au sud de Téhéran), et que dirige son petit-fils Hassan, doit recevoir une dotation supérieure (71 milliards de tomans)… au budget de l’éducation nationale, que les écoles coraniques de Qom ont un budget quatre fois supérieur à l’université de Téhéran, que la fondation privée de l’ayatollah Mesbah Yazdi, l’ancien mentor ultra-radical de Mahmoud Ahmadinejad, percevra 28 milliards de tomans sans que soit précisé ce qu’elle en fera.

      #chômeurs