• « C’est comme ça que t’attrapes la haine. », Nicolas Renahy
    https://www.cairn.info/revue-mouvements-2006-2-page-108.htm

    Analyser la « crise des banlieues » de l’automne dernier comme relevant de relégations spatiales circonscrites permet de faire oublier le contexte plus général de re-prolétarisation des classes populaires contemporaines. Le témoignage d’un jeune homme qui a connu une adolescence délinquante dans un village de Bourgogne en crise industrielle dans les années 1990 montre que si relégation spatiale il y a, cette dernière n’est que la conséquence d’une vulnérabilité croissante du monde ouvrier au cours des dernières décennies.

    La focalisation de la question sociale autour des cités urbaines et de leurs jeunesses opère aujourd’hui dans l’espace public comme un véritable aimant dans la perception des classes populaires. Parce que chômage, paupérisation, violences sont des phénomènes bien souvent concentrés dans les anciennes banlieues industrielles, ils se cumulent dans une sorte d’opération de circularité des stigmates, aboutissant à une retraduction des problèmes sociaux en termes spatiaux .

    Ainsi, un risque serait d’analyser les émeutes urbaines de l’automne dernier comme relevant uniquement de phénomènes de « ségrégation urbaine » ou de déficit de « mixité sociale ». Nous souhaiterions au contraire ici contribuer à lutter contre la « tentation géographiste », souvent présente dans les analyses en termes de ségrégation urbaine, en réaffirmant la primauté de la prise en compte de l’histoire et de l’évolution de groupes sociaux dans la compréhension de la réalité sociale présente. Circonscrire spatialement un problème, s’en tenir à ses manifestations les plus évidentes et immédiates, c’est risquer de mal en diagnostiquer les causes.

    #classes_populaires #enquête