• Contre les « fake news », Macron décodeur-en-chef, Frédéric Lordon, 8 janvier 2018
    https://blog.mondediplo.net/2018-01-08-Macron-decodeur-en-chef

    Il n’était pas besoin d’être grand clerc pour apercevoir dès le départ que tout s’était mis de travers dans cette histoire, et poursuivrait de même. Il fallait d’abord que la presse de service s’abuse considérablement quant à son propre crédit dans la population pour s’imaginer en rempart de correction, elle dont la mission d’intoxiquer n’est même plus vécue comme une mission tant elle est devenue une nature seconde. Il fallait ensuite ne pas craindre les balles perdues du fusil à tirer dans les coins, les médias rectificateurs, à défaut d’avoir songé à se blinder le fondement, étant voués à se retrouver eux-mêmes rectifiés par derrière, c’est-à-dire systématiquement interrogés pour leur substantielle contribution au faux général de l’époque. Ce qu’un minimum de décence réflexive – ou de régulation du ridicule – a manqué à produire : un réveil, il se pourrait que la loi anti fake news de Macron y parvienne, mais trop tard et avec quelques effets rétroactifs pénibles. En tout cas, et c’est le moins qu’on puisse dire, l’annonce n’a pas fait pousser des cris de triomphe dans les rédactions, même les plus en pointe dans la croisade du vrai – où, pour la première fois, on perçoit comme un léger sentiment d’alarme. On aurait pu imaginer une sorte d’exultation à la reconnaissance suprême du bien-fondé de la cause. L’ambiance est plutôt à une vague intuition du péril. De fait, le pas de trop est celui qui jette d’un coup une lumière un peu blafarde sur tout l’édifice.

    Égoutiers de l’Internet ?

    Car il devient de plus en plus difficile de se déclarer soldat de la vérité. L’enrôlement plus ou moins crapoteux au service du grand capital numérique n’était déjà pas bien glorieux – on ne s’était d’ailleurs pas trop précipité pour faire la publicité de ces collaborations. On apprend en effet depuis peu que bon nombre de rédactions touchent de Google et Facebook pour mettre à disposition des équipes de journalistes-rectificateurs aidant à purger les tuyaux. Il faut vraiment que l’argent manque pour accepter ainsi de se transformer en égoutiers de l’Internet pour le compte des Compagnies des Eaux qui prospèrent en surface. Bien sûr ça n’est pas de cette manière qu’on présente les choses, cependant même ré-enjolivée en cause commune de la vérité démocratique, l’association normalisatrice avec les grossiums de la donnée produit déjà un effet bizarre.

    Il faut sans doute être un Décodeur, ou en l’occurrence un Désintoxicateur (Libération), pour se promener dans cet environnement en toute innocence, et même casser le morceau avec une parfaite candeur : « Nous, par exemple, on travaille pour Facebook, comme un certain nombre de médias en France travaillent pour Facebook et rémunérés par Facebook pour faire le ménage dans les contenus qui circulent », déclare Cédric Mathiot avec une complète absence de malice (2) – on voit très bien Hubert Beuve-Méry ou Sartre envisageant de « faire le ménage dans les contenus » en compagnie d’IBM ou de (la nommée avec préscience) Control Data Corporation.

    Bien envoyé.

    Dommage par ailleurs que l’on ne trouve guère de critique des bidonnages factuels et théoriques intéressés auxquels s’adonnent divers acteurs sous couvert de positions minoritaires ou de gauche non gouvernante, comme il s’en trouve ici des exemples, tel celui ci
    https://seenthis.net/messages/657577

    • Que tout se voie davantage, c’était bien une prévisible némésis pour les médias du macronisme. Car s’il y a une maxime caractéristique du macronisme, c’est bien moins « En marche » que « Tout est clair ». Avec Macron tout est devenu très clair, tout a été porté à un suprême degré de clarté. L’État est présidé par un banquier, il offre au capital le salariat en chair à saucisse, il supprime l’ISF, il bastonne pauvres et migrants, dix ans plus tard et après n’avoir rien compris, il rejoue la carte de la finance. Tout devient d’une cristalline simplicité. En même temps – comme dirait l’autre – il n’a pas encore complètement rejoint son lieu naturel, le lieu du cynisme avoué et du grand éclat de rire ; et la guerre aux pauvres ouverte en actes ne parvient pas encore à se déclarer en mots. Il faut donc prétendre l’exact contraire de ce qu’on fait, scrupule résiduel qui met tout le discours gouvernemental sous une vive tension… et, par conséquent, vaut à ses porte-parole un rapport disons tourmenté à la vérité. Se peut-il que le schème général de l’inversion, qui rend assez bien compte des obsessions anticomplotistes et anti-fake news, trouve, à cet étage aussi, à s’appliquer ? C’est à croire, parce que la masse du faux a pris des proportions inouïes, et qu’il n’a jamais autant importé d’en rediriger l’inquiétude ailleurs, n’importe où ailleurs. On doit prier dans les bureaux pour que se fassent connaître en nombre de nouveaux fadas, (...), des hackers russes, des allumés des chemtrails ou de n’importe quoi pourvu qu’on puisse dire que le faux, c’est eux. Mais qu’heureusement l’État de médias veille.

      Gérôme, « La Vérité sortant du puits armée de son martinet pour châtier l’humanité », 1896

      « Alors les Décodeurs se réveillèrent, et ils virent qu’ils avaient l’air con… »
      Lamentations, chapitre 2, verset 2 (révisé)

      #macronisme #Etat_de_médias

    • La boucle est bouclée.

      Le mensonge s’élève pour ainsi dire au carré quand il est celui d’un discours qui porte sur le mensonge. Élevant tout cet ensemble à un point de perfection, et se rendant elle-même au tréfonds de l’abaissement, la ministre de la culture n’hésite pas à déclarer que la future loi sur les fake news vise « à préserver la liberté d’expression »

      La loi sur les « fake news » vise à « préserver la liberté d’expression », selon Nyssen
      http://www.leparisien.fr/societe/la-loi-sur-les-fake-news-vise-a-preserver-la-liberte-d-expression-selon-n
      #fausse_nouvelle #mensonge #gouvernement #fanfare_à_fake_news

    • Muriel Pénicaud explique sans ciller que la nouvelle disposition des ruptures conventionnelles constitue « un atout pour les salariés » (10). La même, qui a constitué une partie de son patrimoine par des plus-values sur stock-options consécutives à ses licenciements, est bien partie pour économiser 49 000 euros d’ISF – et l’on se demande ce qui, de ce fait ou de la fausse nouvelle d’un compte de Macron aux Bahamas, offense le plus l’esprit public.

      C’est mignon comme du Lordon

    • J’ai lu, bien que ce oit du Lordon sur le Diplo, et a priori je suis sympathique à la cause défendue (j’avais bien aimé sa sortie sur l’affligeant Décodex), mais est-ce que c’est moi ou est-ce que cette écriture (son écriture) est devenue complètement illisible pour ne pas dire carrément verbeuse dans le mauvais sens du terme pour ne pas dire non plus condescendante et arrogante aussi dans le mauvais sens du terme. J’ai beaucoup de mal le comprendre dans ses emberlificotements, mais au Deep ils doivent en être très fiers. Je suis désolé pour cells et ceux ici qui aiment bien Lordon.

      Quel dommage.

    • @reka A chaque fois que je vois passer un signalement sur seenthis pour un article de Lordon, je pense à toi, je me dis il va le lire et puis ça va pas lui plaire même si et j’y vois comme une torture pour toi. Ce qui me navre. Crois-le.

      Je suis désolé pour celles et ceux ici qui aiment bien Lordon.

      Tu aurais compris que je fais plutôt parti de ce gang-là.

      Dans le cas présent je trouve l’article très utile dans cette forme justement. Cela tient à sa force de démonstration à son cheminement pour aboutir à ce que de mon côté je commence à voir en pleine clarté mais que j’ai du mal à exprimer précisément aussi clairement que Lordon, à savoir :

      Muriel Pénicaud explique sans ciller que la nouvelle disposition des ruptures conventionnelles constitue « un atout pour les salariés » (10). La même, qui a constitué une partie de son patrimoine par des plus-values sur stock-options consécutives à ses licenciements, est bien partie pour économiser 49 000 euros d’ISF – et l’on se demande ce qui, de ce fait ou de la fausse nouvelle d’un compte de Macron aux Bahamas, offense le plus l’esprit public.

      Ce que je trouve vraiment réussi dans cet article, c’est qu’il part des Grecs finalement, pour nous parler d’une machinerie infernale, ce qui va lui permettre de nous démontrer qu’il s’agit d’un défaut originel dont l’issue normale devrait être que l’arroseur est arrosé, mais que non pas du tout, retournement du sens (références appuyées à 1984 d’Orwell), on aboutit à une tension psychologique (celle du pouvoir emberlificoté dans sa communication de plus en plus mensongère) là où la clarté était promise.

      Quant à la conclusion de l’article elle est assez belle je trouve, elle dit en une pirouette l’impossibilité désormais de prédire quoi que ce soit tant tout est devenu irrationnel.

      Je commence à te connaître un peu (d’ailleurs c’est assez drôle ce sentiment que nous sommes quelques unes et quelques uns qui commençons à nous connaître et nombreux parmi nous qui pourrions nous croiser dans la rue sans nous reconnaître ) et je vois bien que tu n’es pas sensible, hors d’un contexte purement littéraire, au plaisir d’écrire. Or Lordon prend plaisir à écrire, c’est manifeste. Et il y a une certaine jouissance je trouve à certaines métaphores et quelques comparaisons parfois admirables, en tout cas il y a souvent de très belles images, pour cela tu devrais mettre de côté ta façon plus analytique de voir les choses et te laisser envahir par le plaisir de la lecture de phrases qui sont très bien écrites par ailleurs. Ce faisant tu aurais peut-être à découvrir que la réflexion à propos de la chose politique n’a pas nécessairement à être écrite dans une langue austère et qu’une certaine élégance et une certaine beauté de la langue ne sont pas nécessairement étrangères à la réflexion au contraire, autrefois on appelait cela l’éloquence et c’était même très prisé.

      Et tu devrais pouvoir en profiter d’autant plus facilement que pour moi qui lis Lordon depuis une dizaine d’années, avant je lisais ses essais de philopsophie économiques, il a grandement réduit la voilure, s’inspirant en cela, il me semble, de l’écriture du Comité invisible : bref il s’est radicalisé sur internet et c’est tant mieux, parce que oui, tu as raison de temps en temps il faut quand même s’accrocher un peu au bastingage.

      Amicalement, crois-le

      Phil

    • Le martinet de la vérité : de Jean-Léon Gérôme à The Undisputed Truth
      http://lacelluledecoute.blogspot.fr/2018/01/le-martinet-de-la-verite-de-jean-leon.html

      Mais venons-en à la partie musicale de ce post qui concerne un groupe soul américain, lui aussi extraordinaire, The Undisputed Truth qui nous rappelle que derrière les visages souriants [Smiling faces] peuvent se cacher les pensées les plus perverses.
      https://youtu.be/8CJZcVi5BA4

    • Smiling Faces Sometimes (1971)
      The Undisputed Truth

      Smiling faces sometimes
      Pretend to be your friend
      Smiling faces show no traces
      Of the evil that lurks within

      Smiling faces, smiling faces sometimes
      They don’t tell the truth
      Smiling faces, smiling faces
      Tell lies and I got proof

      The truth is in the eyes
      Cause the eyes don’t lie, amen
      Remember a smile is just
      A frown turned upside down
      My friend let me tell you

      Beware, beware of the handshake
      That hides the snake
      I’m telling you beware
      Beware of the pat on the back
      It just might hold you back
      Jealousy (jealousy)
      Misery (misery)
      Envy
      I tell you, you can’t see behind

      #Musique #Musique_et_politique The #Undisputed_Truth #soul #fake_news #truth #vérité #hypocrisie