20 Heures : Le Media esquisse un contre-modĂšle
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Seuls les imbĂ©ciles ne changeant pas dâavis, jâai bien peur de devoir revenir sur ce que je disais lâautre semaine, Ă propos de lâadoption par Le Media des Insoumis, de cette forme ringarde et dĂ©passĂ©e quâest un journal de 20 Heures.
Soir aprĂšs soir, comme dans un bain de rĂ©vĂ©lateur, ce choix prend son sens. Et son sens, câest lâĂ©mergence, dans la forme classique de la grand messe du soir, dâune vĂ©ritable contre-hiĂ©rarchie de lâinfo. Jeudi 25 janvier, le journal sâouvre ainsi sur la relaxe, au Palais de justice de Paris, dâun militant de Nuit debout, LoĂŻc Canitrot, poursuivi par le MEDEF pour de prĂ©tendues violences lors dâune occupation du siĂšge du patronat, violences dont la rĂ©alitĂ© nâa jamais Ă©tĂ© Ă©tayĂ©e. Le deuxiĂšme sujet est consacrĂ© Ă un discret bras de fer entre le ministĂšre des transports et Bercy, Ă propos des exonĂ©rations fiscales sur lâachat des vĂ©los Ă©lectriques. Plus loin dans le journal, un long plateau est consacrĂ© Ă la condamnation en appel de lâex-prĂ©sident brĂ©silien Lula, avec une invitĂ©e brĂ©silienne, qui revient sur le dĂ©tail des accusations de corruption.
Au mĂȘme moment, sur France 2, comme prĂ©vu, 17 minutes sont consacrĂ©es aux crues, et Ă lâattente languissante de la grande crue de la Seine et de ses affluents (les fleuves non affluents sont priĂ©s de faire la queue comme tout le monde). Au mĂȘme moment, sur France 2, ce nâest quâĂ la 14e de ces 17 minutes, aprĂšs 14 minutes de barques et de parpaings sous les canapĂ©s, que sont abordĂ©es les causes de ces crues (changement des pratiques agricoles, pesticides qui appauvrissent la terre, etc). Et Ă©videmment, chez Anne-Sophie Lapix, pas un mot sur la relaxe de Canitrot, ni sur le plan vĂ©lo.
A lâinverse, chez Aude Rossigneux et ses collĂšgues, les inondations et lâaccident dâun car de collĂ©giens dans le Sud-Ouest, sont ramenĂ©s au rang de brĂšves, dans les entrailles du journal -la guirlande de brĂšves qui plombait le journal les premiers soirs, a dâailleurs subi un ratiboisage bienvenu. Ah comme ça fait du bien, de voir se dĂ©ployer une contre-hiĂ©rarchie de lâinformation, qui sâaffranchit radicalement des paresseux empilements habituels !
Alors, bien sĂ»r, on nây est pas encore. Les moyens manquent cruellement. Pas de reporter au Palais de Justice pour la relaxe du militant de Nuit debout, quâon se contente dâinterviewer au tĂ©lĂ©phone. Le reportage Ă lâAssemblĂ©e sur les secousses du plan vĂ©lo ne montre que des images-prĂ©textes, et ne dĂ©gage clairement ni les Ă©lĂ©ments prĂ©cis, Ă©noncĂ©s par LibĂ© au dĂ©but du mois (la rĂ©duction par Bercy, Ă compter du 31 janvier, dâune aide de 200 euros pour lâachat dâun vĂ©lo Ă©lectrique), ni les enjeux stratĂ©giques : la transition Ă©nergĂ©tique. Dâautres sujets dĂ©veloppĂ©s sont confus, et manquent de rythme. Ah, si Le Media disposait du dixiĂšme du budget de France 2 !
Mais ce nâest pas lâessentiel. Lâessentiel, câest de montrer, par lâexemple, quâil nây a pas de fatalitĂ© du chien Ă©crasĂ©, et quâon peut sortir enfin de lâattraction pour le modĂšle canonique de la tĂ©lĂ© privĂ©e. Car câest une chose dâenrager soir aprĂšs soir de voir la chaĂźne publique dĂ©calquer la hiĂ©rarchie de lâinfo des chaĂźnes privĂ©es. Mais il manquait, pour rendre ces critiques crĂ©dibles, un contre-modĂšle, mĂȘme Ă lâĂ©tat dâesquisse. On dirait bien quâil prend forme.