• Plaidoyer pour le « bon sexe », celui qui nous fait vraiment du bien
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    Reprenons : notre érotisme repose sur des références fictionnelles élitistes. Or quelle est la fiction préférée des personnes surprotégées ? La prise de risque. Sur quoi fantasme-t-on dans un environnement de codes sociaux lourds ? Sur le dérapage. Nous désirons ce qui nous échappe. D’où l’hallucinante violence de grandes bourgeoises fantasmant le viol (et pourquoi pas ?), donnant du haut de leur hôtel particulier des leçons de courage aux usagères du métro. Même dynamique chez les hommes hurlant à l’anéantissement d’une sexualité délicieusement dangereuse et glissante : un homme n’est jamais en danger pendant un rapport sexuel, sauf si un grizzli affamé passe dans le coin (c’est rare sur la ligne 13).
    Pourquoi ne pas remettre au centre du jeu les possibilités érotiques qui ne font de mal à personne et permettent de parler la même langue ?

    La zone blanche serait pour les oies blanches : le missionnaire du samedi soir. Prévisible, banal, ennuyeux. Vraiment ? Quid alors de la confiance et du dialogue permettant sinon la prise de risque, du moins des escapades érotiques ? Que reste-t-il du BDSM sans délimitation d’un accord ? La liste est longue des pratiques qui se passent mieux quand on va bien : la sodomie, l’échangisme, le libertinage… et, certainement, le missionnaire du samedi soir. On pourrait d’ailleurs proposer une équation pratique : plus un fantasme repose sur ses éléments « gris » (douleur, peur, culpabilité, humiliation, contrainte), plus ses contours seront définis… voire contractualisés (non par pruderie mais par instinct de survie).

    Un énorme chantier post-Weinstein va consister en outre à réérotiser la zone blanche. Car combien de temps va-t-on nous vendre les mêmes fantasmes de brusquerie, mots grossiers, abus divers ? A force de creuser la zone grise, ne la connaît-on pas par cœur ? La surenchère de ces thématiques ne masque-t-elle pas une infinie resucée du même ? Mépriser la tendresse est un luxe pour élites surchouchoutées. Quant à considérer le consentement comme ennuyeux, on atteint le contresens total. La zone blanche est drôle, riche, jubilatoire. Elle mérite toute sa place dans les canons de l’érotisme – un rééquilibrage nécessaire et qui pourrait, au passage, permettre aux arts et lettres de renouveler leur répertoire.

    #domination #male_gaze #culture_du_viol #sexualité #pouvoir #weinstein