La charge des boutiquiers !
AprĂšs plusieurs jours assez tumultueux dâacharnement mĂ©diatique et de pressions dĂ©mesurĂ©es, posons nous la question : pourquoi tant de virulence concernant le dĂ©part de journalistes et de quelques socios renommĂ©s du MĂ©dia qui avaient signĂ© le manifeste pour un mĂ©dia citoyen ?
LâĂȘtre humain sait trĂšs bien construire des justifications aprĂšs coup quand ce qui dĂ©clenche le ramdam est insignifiant. Mais que sâest-il passĂ© exactement ? Tout dâabord, on assiste au dĂ©part dâune journaliste, suite Ă la fin dâune pĂ©riode dâessai non concluante. Ensuite, un autre journaliste opte pour une position de prĂ©caution face Ă la difficultĂ© de vĂ©rifier la source des images venant de la zone du Ghouta. Pourtant, lâHistoire nous a appris quâen situation de conflits, les images sont aussi un vecteur de manipulation des opinions pour justifier tel ou tel engagement guerrier.
Que nous rĂ©vĂšle cette pĂ©riode en prenant un peu de hauteur ? Interrogeons nous sur ce que jâappellerais la charge des boutiquiers.
Au delĂ des projections de chacun sur ce que devait ĂȘtre Le MĂ©dia, qui, ce nouveau venu dans le paysage mĂ©diatique dĂ©range-t-il autant ? Et pourquoi ?
Un milieu journalistique « bien pensant » qui ne supporte pas cet autre regard sur lâactualitĂ© car il leur renvoie leur propre subjectivitĂ© dans leur couverture de lâinformation ?
Un milieu politique inquiet de voir une brÚche, dans leur storytelling, dans une communication orientée en leur faveur ; que sais-je encore ?
Dans cette sociĂ©tĂ© du tout compĂ©tition, oĂč la lutte des places est exacerbĂ©e puisquâil nây en a pas assez pour chacun.e, les mĂ©dias nâĂ©chappent pas Ă cette condition. Comme lâinformation est sujet politique, chacun.e y va de la dĂ©fense ou de la promotion de son prĂ©-carrĂ© en fonction des pouvoirs en place. De cet assujettissement, sâen suit un conformisme aux intĂ©rĂȘts des dirigeants des grandes entreprises de presse qui les emploient pour se maintenir en place. Cela se traduit frĂ©quemment par des mĂ©thodes journalistiques bien basses pour provoquer lâaudience et la rĂ©action Ă©motionnelle.
GrĂące Ă son indĂ©pendance financiĂšre, lâarrivĂ©e du MĂ©dia ne sâinscrit pas dans cette conformitĂ© ambiante. Il ne faut pas sâĂ©tonner quâen sâattaquant Ă la « grande messe du 20 Heures », ils provoquent des commentaires qui dĂ©notent dâun manque de tolĂ©rance Ă un traitement diffĂ©rent de lâinformation. En permettant lâexpression dâune parole critique aux politiques sociales, environnementales, Ă©conomiques, internationales et en donnant la parole Ă des personnes qui nâont plus ou pas lâaccĂšs aux chaĂźnes de radio-tĂ©lĂ©vision, aux tribunes dans la presse, la diffĂ©rence avec les autres mĂ©dias est criante. Câest vrai quâentendre autant de voix critiques ou dissonantes dans les "journaux de 20 H dominants" nâest pas lĂ©gion. Sans doute, certaines chaĂźnes privilĂ©gient dâautres approches pour distraire plutĂŽt que cultiver. Je crois que nous pouvons fĂ©liciter Le MĂ©dia dâavoir pris le chemin inverse.
Mais, derriĂšre cette profusion de rĂ©actions Ă©pidermiques, ne ressentons nous pas ici autre chose, comme la peur dâune classe politique et des puissances Ă©conomiques qui possĂšdent les grands mĂ©dias ? Tout ce qui dĂ©montrerait que la logique comptable actuelle des projets « libĂ©raux » produit un dĂ©ficit humain, environnemental et Ă terme financier, inquiĂšte. Rendre visible cela, câest mettre en question le pouvoir, la position dominante ou installĂ©e dâune oligarchie.
Nous avons certainement ici la raison pour laquelle celles et ceux qui sâemploient Ă Ă©clairer les citoyens sont renvoyĂ©s au sempiternel manĆuvre dâĂ©tiquetage politique de toute part. Câest dâailleurs ce que recherchent tous ces boutiquiers mĂ©diatiques qui nâont pas hĂ©sitĂ© Ă le faire avant mĂȘme son dĂ©marrage. En le qualifiant de mĂ©dia insoumis, câest vouloir lâenfermer, au regard de lâopinion, dans une vision politicienne (ce scĂ©nario est en place et va continuer) alors quâil se dĂ©finit autour de valeurs.
Cependant, se dĂ©clarer un mĂ©dia engagĂ© dans des causes Ă©cologiques, fĂ©ministes, humanistes est une preuve dâhonnĂȘtetĂ© qui devrait inspirer celles et ceux qui critiquent cette initiative dans le champ mĂ©diatique audiovisuel dâaujourdâhui. Au lieu de cela, certains.es ont beau jeu de se rĂ©clamer dâune neutralitĂ© qui nâexiste pas dans le traitement de lâinformation. Il sâarroge une objectivitĂ© tout en laissant paraĂźtre leur orientation sur ce qui serait bien ou ce qui serait mal de penser.
Y a-t-il des insoumis dans lâĂ©quipe du MĂ©dia ? Il serait difficile de dire le contraire. Mais, en faire lâexclusivitĂ© nâest pas juste au regard des personnalitĂ©s invitĂ©es Ă lâantenne et de la diversitĂ© des socios. Dans un contexte de dislocation des partis politiques traditionnels, singuliĂšrement, il ne serait pas Ă©tonnant non plus quâune certaine « gauche socialiste » participe, de concert avec la droite, pour tenter dâisoler une webtĂ©lĂ© trop critique Ă leur goĂ»t envers « cette pensĂ©e unique du libĂ©ralisme ». Tout ce petit monde et ce microcosme « HS » (Hors Sol) se retrouvent unis dans les lieux dâinfluence, cherchant Ă dĂ©fendre leur « boutique de pensĂ©e », faisant croire quâils ne font pas partis dâune mĂȘme chaĂźne de boutiques franchisĂ©es.
Une autre famille mĂ©diatique de gauche (dont jâai pu Ă une Ă©poque mâidentifier Ă leurs analyses), prĂ©fĂšre voir lâarrivĂ©e de ce nouveau mĂ©dia audiovisuel comme un concurrent, plutĂŽt que rechercher des complĂ©mentaritĂ©s et des coopĂ©rations. Elle profite de la situation actuelle pour salir Le MĂ©dia avec une argumentation digne dâun procĂšs politique ; ce qui rĂ©vĂšle bien des choses. Au lieu de prendre de la distance, elle sâinscrit pleinement dans cette querelle de boutiquiers. Elle privilĂ©gie le marchĂ© dâun lectorat quâelle voudrait captif plutĂŽt que lâinformation. Ne serait-ce pas Ă©galement un signe de fragilitĂ© idĂ©ologique et dâun conservatisme au regard des enjeux de sociĂ©tĂ© ? Quelle dĂ©ception !
Pourtant, Le MĂ©dia nâest pas un mouvement politique. Il prĂ©sente des tĂ©moignages, il confronte des points de vue et propose lâanalyse de questions de sociĂ©tĂ© en les mettant en dĂ©bats. Au regard du journal et des Ă©missions, nous lâavons constatĂ© sur sa toute petite pĂ©riode dâexistence. Permettre de mieux comprendre le monde, cette globalisation « libĂ©rale », me paraĂźt ĂȘtre la dĂ©marche sensĂ©e du MĂ©dia pour penser des rĂ©ponses Ă ce qui sâannonce ?
Le climat se rĂ©chauffe. La sixiĂšme extinction de masse des animaux sâaccĂ©lĂšre. LâhumanitĂ© Ă©puise les ressources naturelles. La concentration de richesse mondiale atteint des proportions dangereuses. Les dĂ©penses militaires continuent dâaugmenter au niveau mondial etc., autant de sujets qui, je ne doute pas, feront lâobjet dâĂ©mission un jour. Face Ă ces enjeux pour les habitants de la planĂšte, combien de leaders dâopinions politiques, mĂ©diatiques, Ă©conomiques nous endorment avec leur novlangue « nĂ©olibĂ©rale » ? Et de fait, notre intĂ©gration consciente ou inconsciente de leur mode de pensĂ©e ou notre rĂ©signation font de nous des complices.
Dans ce combat culturel, le courage devient, une des qualités supplémentaires des journalistes existants et futurs du Média et ils peuvent compter sur des abonnés en augmentation pour les soutenir. La charge des boutiquiers en sera pour ses frais.
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