marielle 🐢

« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • Pourquoi l’inquiétude actuelle sur les marchés financiers ?
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    Malgré des bénéfices record (93,4 milliards d’euros en 2017 pour les entreprises du CAC40), le prix des actions ne reflète plus la valeur réelle des entreprises et les capitalistes s’inquiètent. En toute fraternité, nous avons décidé de sortir les kleenex, les calculettes et de nous pencher sur leur triste sort.

    La finance est une matière connue de tous (il suffit de regarder le bandeau défilant de n’importe quelle chaîne-robinet d’infos) mais paraissant réservée à des initiés. Exemple : qui sait comment se détermine le prix d’une action ?
    Dans « l’ancien monde », on le faisait à la valeur comptable. On prenait tous les équipements, les usines, les bureaux, les tables, chaises, ordinateurs, les comptes en banque, la valeur des créances, la valeur estimée de la marque, bref tout ce qui compose « l’actif », puis on en soustrayait les dettes, pour faire simple. Mais dans le « nouveau monde » (qui n’en déplaise à notre Grand Leader Jupitérien, n’est pas né en 2017 mais à la même époque que lui, il y a une quarantaine d’années), la valorisation des entreprises cotées en bourse ne repose plus du tout sur cette comptabilité. De nos jours, pour savoir combien vaut une boîte, on prend son bénéfice de l’année et on le multiplie par… un nombre. Sur longue période, ce nombre est estimé par le consensus capitaliste à 15 (mais il varie selon les secteurs, plus bas dans l’automobile, plus haut dans l’internet).

    Or la valorisation actuelle de l’indice Dow Jones, celui qui donne le « la » à tous les autres, n’est pas de 15 mais de… 26 années de bénéfices ! La même distorsion avait été observée en 2007 (krach des subprimes), en 2001 (krach de la bulle internet)… Selon certains économistes particulièrement écoutés à Wall Street, ce « multiple de bénéfices » est en réalité largement au-dessus de 30, soit deux fois la norme de long terme. Pour parvenir à un tel écart, ils multiplient non pas le bénéfice de l’année, mais celui de la moyenne des 10 dernières (corrigeant ainsi les variations brusques, conjoncturelles, du cycle).
    Tout est donc en place pour un nouvel effondrement

    L’économie réelle produit des profits absolument gigantesques en délocalisant, en supprimant des centaines de milliers d’emplois, en obtenant des gouvernements toutes sortes de subventions (en France le Pacte de responsabilité coûte 41 milliards par an au contribuable) et de nouveaux moyens pour pressurer les salariés (Ordonnances « Travail »…), mais ce n’est pas assez ! C’est même très loin de suffire à justifier les prix stratosphériques observés actuellement à la Bourse.
    Il règne donc une grande inquiétude sur la « planète finance » et le moindre mauvais signe peut provoquer une crise de panique. Les entreprises cotées s’emploient à tout faire pour « rassurer les investisseurs », notamment en servant de gros dividendes (leur montant, rapporté au PIB, a quadruplé depuis les années 1980-90) voire en rachetant leurs propres actions (1000 milliards de dollars en 2017).

    Le dernier stress s’est produit fin janvier. Une seule statistique a réussi à faire perdre 10% à Wall Street en une seule semaine : celle de… l’augmentation des salaires. Nos seigneurs et maîtres ont failli s’évanouir en voyant celle-ci « déraper » à +2,9% en tendance annuelle aux Etats-Unis. Toutes les autres bourses ont suivi. A Paris, le CAC40 perdait 8% en quelques jours. Depuis lors, l’indice des salaires américains a été corrigé à +2,6% et comme l’écrit l’Agefi (9 mars 2018), « les signes de tensions sur les salaires se sont apaisés ». Ouf !

    La chose très éclairante de cet évènement est bien sûr l’observation « en direct live », in vivo, de la contradiction fondamentale du capitalisme : dans un contexte technologique donné, celui-ci ne produit du profit qu’en détruisant du salaire (et vice-versa). Or la déconnexion entre la valeur réelle des entreprises et leur valeur boursière est telle, que pour ne pas s’effondrer, il est virtuellement impossible aux entreprises d’autoriser toute hausse de salaires excédant celle des prix. Le capitalisme marche sur un fil suspendu au-dessus d’un gouffre. N’enregistrant des profits que parce que les salariés (90% de la population active) voient leur niveau de vie baisser « et en même temps » leur achètent leurs marchandises, s’il s’écarte d’un millimètre de l’austérité salariale, alors la valeur boursière risque le grand plongeon.

    Il faut réduire à tout prix ce fameux « multiple de bénéfices », faire en sorte qu’il passe de 25 à 20 par exemple ; et donc, à nouveau, augmenter les profits ! Mais comment écouler la marchandise ? En obligeant les ménages à s’endetter. En France, l’endettement des ménages représentait 75% du revenu disponible en 2000 ; 16 ans plus tard il était passé à 110%. Heureusement que tout ça sert à quelque chose. C’est si beau et surtout si désintéressé, de participer tous ensemble au bien-être des capitalistes ! Personnellement, la mine réjouie du présentateur de BFM-Business, ça me fait ma journée.
    LM

    https://lemediapresse.fr/idees-fr/pourquoi-linquietude-actuelle-sur-les-marches-financiers