Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • Pas la moindre trace de rêve
    Ce matin, vague souvenir
    D’un voyage au travers d’une ville déserte

    Je me lève du bon pied
    Dans une maison silencieuse
    Vacance des enfants, matins tranquilles

    Je monte café en main dans ma chambre open space
    Home office toute la semaine
    Je ris toujours de la superposition de tels mondes

    Ainsi comme il serait drôle
    Que dans l’open space
    J’affiche certains tableaux et images !

    Dans l’open space
    La vanité
    De Martin

    Dans l’open space
    Mes autoportraits
    Du Jour des innocents

    Dans l’open space
    La sculpture du marteau
    De Daniel

    Dans l’open space
    Le tableau de Valérie
    Ca passerait peut-être

    Dans l’open space
    La photographie
    D’Arnand Claas

    Dans l’open space
    Les vautours
    De L.L. de Mars

    Dans l’open space
    Les portraits rayés
    De Karen Savage

    Dans l’open space
    La photographie sombre
    De Pierre Massaud

    Dans l’open space
    La photographie de Daphna
    qui a longtemps fait peur aux enfants

    Dans l’open space
    Ne serait-ce que la carte postale
    De la Maja nue de Goya

    On a beau être dans le home office
    Je ne vois pas pourquoi
    Je me priverais d’une pause au BDP

    Au BDP
    Relecture de quelques pages
    De Frôlé par un V1

    Nouilles
    Sautées
    Au satay

    Les corrections faites sur Raffut
    Ne collent toujours pas
    Mathieu est vigilant, ma reconnaissance

    Je passe trois bonnes heures
    À remâcher sans cesse
    Un petit paragraphe

    Et deux bonnes heures
    À maquiller
    Mes méfaits ailleurs dans le texte

    À l’heure pétante
    De la sortie du bureau
    J’emmène les enfants au bois

    Froid mordant
    Pourtant le lac à peine figé
    Mais un fort vent, glacial

    Il faut donc venir au bois de Vincennes
    Un lundi en période de vacance
    Et par grand froid pour être tranquille

    De retour à la maison
    Je retourne à mâcher mes phrases
    Je tiens enfin le coupable, un adverbe !

    Je relis
    Je relis encore
    Je relis à voix haute

    Je cuisine une quiche
    Luxueuse de légumes
    Appréciation diverse des enfants

    Je pars voir Ni juge ni soumise
    Avec Zoé au Keaton
    Grande salle pleine !

    On est immédiatement séduit
    Par l’humour invraisemblablement décalé
    De cette belge juge d’instruction

    On ne cesse de se demander
    Comment toutes et tous
    Oublient la caméra et les microphones

    Je ne peux m’empêcher de repenser
    À la pesanteur du cinéma de Depardon
    Dans un décor comparable

    Et ici Yves Hinant et Jean Libon
    Ne font pas tant de cinéma
    Et cernent tellement l’humain

    Et l’intelligence de terminer
    Par une confession tellement folle
    Tellement pénible, tellement

    Oui, utile rappel
    On n’est pas là pour rire
    (Après avoir bien ri, mais ri)

    Je repars
    Bras dessus bras dessous
    Avec Zoé dans le froid pseudo-russe

    #mon_oiseau_bleu