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  • Une « soupe verte » pour fabriquer les antipaludiques

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/03/25/une-soupe-verte-pour-fabriquer-les-antipaludiques_5276195_1650684.html

    Des chercheurs allemands ont découvert une nouvelle manière de fabriquer le principal principe actif contre le paludisme, l’artémisinine, sans produits chimiques mais en utilisant la chlorophylle.

    Dans la lutte contre le ­paludisme (plus de 400 000 morts et 210 millions de cas par an), un progrès vient d’être publié dans la ­revue Angewandte Chemie du 21 février. Les chercheurs allemands des Instituts Max Planck à Postdam et Magdebourg et de l’Université libre de Berlin n’ont pas découvert une nouvelle molécule, mais une nouvelle manière de fabriquer le principal principe actif contre cette maladie, l’artémisinine. Cette molécule extraite des feuilles d’armoise (Artemisia annua) a été découverte en 1972 par l’équipe de la Chinoise Youyou Tu, récompensée par un prix ­Nobel en 2015.

    Les moins de 200 tonnes pro­duites annuellement proviennent principalement toujours d’extraction des feuilles, qui contiennent environ 1 % d’artémisinine, même si des méthodes industrielles de synthèse existent. Ces dernières consistent le plus souvent à utiliser des bactéries génétiquement modifiées pour, qu’après fermentation, un précurseur de l’artémisinine, l’acide artémisinique (AA), soit obtenu. Ce dernier subit ­ensuite une transformation photocatalytique, c’est-à-dire utilisant de la lumière et un catalyseur, pour arriver au produit désiré.

    Coût important

    « Même l’extraction coûte cher. En outre, la demande augmente et il existe beaucoup de contrefaçons. Il est donc intéressant de continuer à améliorer les procédés de ­synthèse », explique Peter Seeberger, l’un des auteurs de l’étude d’Angewandte Chemie. Ce dernier, avec son collègue et cosignataire Andreas Seidel-Morgenstern, a reçu en 2015 le prix international Humanité dans les sciences pour leurs travaux dans ce domaine. En 2012, ils avaient en effet déjà montré comment accélérer et abaisser les prix de la transformation de l’intermédiaire AA en artémisinine. Leur système utilisait un circuit continu au lieu d’un ­fermenteur de gros volume, ce qui accélère le processus, permet à la lumière d’être plus efficace et évite les coûts de nettoyage des cuves.

    Cette fois, ces chimistes se passent du AA et utilisent directement comme matière première l’armoise. Mieux, comme l’indique le titre de leur article, le procédé est « littéralement vert », puisque le photocatalyseur, d’habitude artificiel, est ici tout simplement la chlorophylle, évidemment déjà présente dans les feuilles. « Les chimistes pensent en général qu’il vaut mieux utiliser des produits purs. Or là, nous partons d’une “soupe verte” et à notre grande surprise, ça a marché », constate Peter Seeberger. En une dizaine de minutes, à basse température, sous des diodes électroluminescentes, les réactions chimiques sont terminées et les rendements sont aussi bons que par les autres méthodes.

    « Approche intéressante »

    « C’est vraiment une approche ­intéressante qui se passe de produits chimiques. C’est dingue que personne n’ait pensé avant à utiliser la chlorophylle », indique Oliver Kappe, professeur à l’université de Graz, en Autriche. « L’idée vient de l’étudiante en thèse Susann ­Triemer, explique Kerry Gilmore, autre cosignataire. Elle voulait améliorer le procédé précédent et a réalisé que le photocatalyseur avait une structure chimique proche de la chlorophylle. »« Nous avons été surpris de réaliser que personne n’avait pensé à cela depuis les années 1950 », précise Peter Seeberger, qui envisage de tester ce pigment dans d’autres processus.

    L’équipe, qui avait déjà créé l’entreprise Artemiflow pour valoriser ses précédentes idées, vient de signer un accord de collaboration entre cette société et le centre de recherche et développement de Kentucky Tobacco, qui remplacera certains plants de tabac par de l’armoise. Cela permettra de vérifier que les coûts sont vraiment réduits. Pour l’instant, les techniques pour extraire l’artémisinine de cette « soupe verte » n’ont pas été publiées.

    « Il est important de ne pas abandonner les procédés d’extraction à partir des végétaux car ils font vivre des populations. Mais la chimie doit quand même être développée afin de pallier les aléas climatiques et aussi de permettre de développer des molécules proches de l’artémisinine, pour notamment éviter l’apparition d’une résistance au traitement », rappelle Janine Cossy, professeure de chimie à l’ESPCI Paris.

    Preuve du regain d’intérêt pour ces synthèses, dans les prochains jours, la Fondation Bill et Melinda Gates devrait annoncer quelles équipes sont lauréates de son ­appel à idées sur cette thématique lancée en 2017 et doté de 4,5 millions de dollars.