• Razzia, un film de Nabil Ayouch
    A-t-il vraiment été tourné au Maroc ?

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    La révolte populaire gronde actuellement au Maroc, le pays vit au rythme des manifestations et des répressions policières. Avec Razzia, Nabil Ayouch a l’ambition de nous aider à prendre la température de ce temps aux allures pré-révolutionnaires, et surtout de nous en expliquer les causes. Le réalisateur franco-marocain y parvient-il ?

    Nabil Ayouch a en tout cas pris soin dans Razzia de ne pas bousculer les préjugés de son public cible concernant la société marocaine : tous les clichés racistes y sont méticuleusement respectés, le Marocain y est homophobe, sexiste et antisémite à souhait.

    Dans Razzia, nous suivons le quotidien de cinq personnages, le Berbère, l’Homosexuel, l’Adolescente, le Juif et la Femme. Nabil Ayouch laisse ces personnages nous dire, du point de vue du stéréotype auquel ils sont réduits, ce qu’est la société marocaine et pourquoi elle est sous tension. Et ce qu’ils nous disent est univoque : la société marocaine est une société arriérée culturellement, intolérante vis-à-vis des minorités, et c’est pour cela qu’elle est au bord du gouffre. Les personnages de Ayouch n’existent dans son film que pour marteler cela, scène après scène. Même le personnage secondaire de la pétillante prostituée ne passe dans le film que pour y être maladivement antisémite, quittant précipitamment son client à la simple vue d’une Menorah dans la chambre.

    Et tout est lourd dans le film. Ayouch veut dire que la société marocaine est hypocrite et contradictoire ? Fastoche, l’Adolescente se charge de prier voilée devant un clip télé où des femmes dansent dénudées. Et on devine la fière satisfaction du réalisateur face à cet effet « Grosse contradiction à l’appel du muezzin ». Difficile de la louper en effet...

    Summum de la caricature raciste : le couple que forme Salima et son mari Jawad. Comme le reste dans le film, leur relation est très pauvre, réduite à un message que Ayouch veut faire passer et qui est mis en scène à chaque plan : « Voyez cette misogynie pathologique et cette jalousie maladive chez l’Arabe ». Par exemple cette scène où Salima veut passer un moment tendre avec son mari. Lui ne veut pas, ces douceurs à l’initiative de sa femme, ça l’agace. Il met donc fin à cette tendresse et la viole. Il préfère comme ça, c’est un Arabe.

    À noter que le couple parle français et boit de l’alcool. Nabil Ayouch désislamise et francise pour donner à voir l’essence profonde : l’Arabe a un gros problème dans sa tête avec les femmes. Oui les Arabes sont comme ça Madame Dupont, Musulmans ou pas, vivant au Maroc ou dans les quartiers populaires de France, c’est pareil. C’est les gènes...

    Ce qui est le plus regrettable dans le film, c’est qu’on n’y voit aucune dynamique sociale à l’œuvre. Le film est sans relief, sans profondeur. Gênant pour un film qui prétend parler de luttes et de révoltes. Les cinq personnages sont pourtant liés les uns aux autres, et le fait qu’ils se croisent est censé signifier quelque chose. On ne peut s’empêcher de penser à Une séparation de Asghar Farhadi. Mais là où Farhadi a excellé à traduire par ellipses les tensions politiques et sociales, notamment de classe, sous-tendues par les tensions entre les personnages de son film, chez Ayouch au contraire, il ne se passe rien entre les personnages, ils sont définitivement seuls, réduits à être les victimes d’une société dans laquelle ils semblent tous étrangers, rattachés à rien, ni à leur famille, ni à leurs amis, ni à leur quartier, ni à leur classe. Des personnages caricaturaux qui évoluent de manière isolée dans un Maroc caricatural.