• Violences sexuelles : 91 % des plaignants constatent une mauvaise prise en charge - Le Parisien
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    Sur la base de quelque 460 témoignages de femmes (et de quelques hommes) qui ont porté plainte (ou tenté) contre des violences sexuelles, une association féministe dénonce aujourd’hui la difficulté toujours grande de le faire.

    « Ça reste un homme. Si vous étiez ivre et aguicheuse, pas étonnant qu’il ait tenté sa chance ». Voilà ce qu’a entendu une femme, cette année, dans un commissariat de France lorsqu’elle a souhaité porter plainte pour viol. C’est l’un des nombreux récits recensés par le Groupe F qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles et le site Paye ta Police, qui épingle les comportements inappropriés au sein de cette institution. Ils révèlent aujourd’hui les résultats d’un vaste appel à témoins (baptisé #PayeTaPlainte) sur l’accueil en gendarmerie et dans les commissariats auprès de femmes qui ont déposé plainte, ou tenté de le faire, majoritairement contre des violences sexuelles. Plus de 460 témoignages (dont 50 % suite à un viol) de femmes (et de quelques hommes) leur sont parvenus en 15 jours.

    Ils vont de 1986 à 2018 (38 % entre 2016 et aujourd’hui, 66 % depuis 2013). Sur toute cette période, 91 % d’entre eux déclarent une « mauvaise prise en charge » : problème de confidentialité à l’entrée obligeant à exposer en public la raison de sa venue, refus ou découragement de porter plainte, minimisation des faits…
    Aujourd’hui, seules 10 % des victimes de viol ou tentative de viol portent plainte

    « Bien sûr on témoigne plus quand ça se passe mal, reconnaît la militante féministe Caroline de Haas, l’une des fondatrices du Groupe F. Il n’empêche, certaines histoires vous donnent envie de vous taper la tête contre les murs. » Si des progrès ont été faits sur l’accueil des victimes de violences sexuelles - certains apparaissent d’ailleurs chez des témoignages récents comme cette femme qui parle d’un policier « très ouvert et à l’écoute » - aujourd’hui seules 10 % des victimes de viol ou tentative de viol portent plainte.

    Pourtant, lorsque la parole des femmes s’est libérée sur les réseaux sociaux dans le sillage de l’affaire Weinstein, la police nationale a également utilisé Twitter pour les encourager à venir porter plainte dans les 1000 points d’accueil en France, dont 500 ouverts 24 heures sur 24. Elle a aussi mis en avant la formation de ses agents à ce sujet.
    « Ça ne servira à rien, elle sera classée sans suite »

    Par ailleurs, depuis 2004, une charte régit l’accueil du public. Celle-ci exige un « comportement empreint de politesse, de retenue et de correction » et un « accueil privilégié » pour les victimes. Mais tomber sur un agent spécialisé dans le traitement de ces affaires n’est pas systématique. Pour cette raison, Caroline de Haas insiste sur la nécessité de former davantage de professionnels sur cette question, associée « à une meilleure efficacité de la Justice. Lorsqu’un policier dit à une femme ça ne servira à rien de porter plainte, elle sera classée sans suite, il le tient de sa propre expérience et cela pèse aussi sur le travail des forces de l’ordre ». En France, seulement 1 à 2 % des viols aboutissent à une condamnation des auteurs en cour d’assises.
    A quand une pré-plainte ?

    En novembre, la ministre de la Justice Nicole Belloubet, annonçait dans nos pages vouloir mettre en place un système de pré-plainte pour les infractions sexuelles, comme il en existe déjà pour les atteintes aux biens. Une mesure envisagée dans le cadre du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes qui devrait passer au Parlement avant l’été.

    « Cela permettrait à la victime, de chez elle, de poser un premier acte, nous expliquait-elle. Lorsqu’elle ira à la gendarmerie ou au commissariat, ceux qui vont l’accueillir sauront de quoi il est question. » Et donc sauront adapter leur prise en charge afin que ce rendez-vous ne soit pas une nouvelle épreuve pour la victime.

    #police #culture_du_viol #victimes #acab