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  • Les espaces « non-mixtes », un choix plus que légitime dans les stratégies de luttes collectives
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    « Il semble que chaque génération politique doive la redécouvrir » : instrument de lutte pour le mouvement des droits civiques aux États-Unis, puis pour le mouvement féministe des années 70, la non-mixité fait pourtant encore débat quand elle ressurgit, comme au cours du mouvement Nuit debout lorsque des femmes ont choisi de se réunir sans hommes. Lieux d’expression et de prise de conscience libérés de la présence des groupes dominants, les espaces non-mixtes permettent de redécouvrir ses forces et (...)

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    • « Les opprimés ne peuvent pas mettre de mots sur les choses si les oppresseurs sont présents, explique Françoise Vergès, politologue et féministe, qui a participé à cette expérience de non-mixité dans les années 1970. Il est plus facile de parler de ses peurs, de ses blessures, de ses déceptions et de ses espoirs quand on est entre soi. En s’organisant en groupe et en partageant nos propres expériences, nous comprenons que nos problèmes ne sont pas personnels, mais que nous nous inscrivons dans une structure d’oppression. » La non-mixité a été particulièrement importante pour que les femmes puissent prendre conscience du caractère systémique des violences masculines [2].

      Caroline de Haas, co-fondatrice de l’association Osez le féminisme, raconte comment, aux débuts de l’association, les hommes présents monopolisaient la parole. Un jour, dans une réunion où les interventions étaient limitées à trois minutes par personne, elle se cale dans un coin, note. « Dans la salle, une centaine de personnes, 85% de femmes. À la fin de la rencontre, un tiers des femmes et près de la moitié des hommes avaient pris la parole. Les femmes avaient parlé en moyenne deux minutes, les hommes quatre minutes. Dans une réunion censée être féministe, avec 85% de femmes, on reproduit quand même les inégalités de sexe dans la prise de parole ! »

      Évoquant les débats qui ont agité Nuit debout à propos de la légitimité d’espaces non mixtes, la militante féministe qui tient le blog Crêpe Georgette signale que la non-mixité est en fait « vitale » pour les féministes. Selon elle, beaucoup de femmes ayant vécu des réunions mixtes traitant du sexisme témoignent qu’une immense partie des réunions se passe à ré-expliquer le fait que le sexisme est une réalité. « Très peu de temps est consacré à la lutte contre le sexisme ; on passe plus de temps à en expliquer l’existence et à rassurer les hommes présents. »

      « En tant que féministe, je sais que la révolte des dominées prend rarement la forme qui plairait aux dominants. Je peux même dire : elle ne prend jamais une forme qui leur convient », analyse Christine Delphy [4]. Au printemps 2017, une vague de protestation a surgi suite à l’annonce d’ateliers non-mixtes, réservés aux femmes noires et métisses, lors d’un festival organisé à Paris par le collectif afro-féministe Mwasi. La mairie de Paris a même annoncé qu’elle allait demander l’interdiction du festival et qu’elle se réservait la possibilité de poursuivre les initiatrices de cet événement pour discrimination. Le tout à la grande satisfaction de l’extrême droite, qui avait dénoncé un racisme « anti-blancs ».

      « Il existe une différence entre la ségrégation subie et nourrie par le pouvoir, et la non-mixité temporaire choisie par des personnes vulnérables », rappelle la journaliste et militante Rokhaya Diallo. « Les réunions afro-féministes non mixtes n’ont en aucun cas vocation à proposer un projet de société ségrégationniste définitif, puisqu’elles s’inscrivent dans la temporalité d’un événement ponctuel. Elles offrent à leurs participantes une échappatoire, une zone de respiration dans une société oppressive. »

      « Il est important de se construire à côté, pour pouvoir mieux revenir après », insiste Ornella.

      #non-mixité