Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • Je ne vois pas le moindre intérêt
    Au rêve de ce matin
    Aussi, consciemment, je l’oublie

    Après le rêve du lézard
    Mon inconscient est prié
    De hausser le niveau

    Au petit déjeuner
    Zoé n’a pas le temps d’avaler ses tartines
    Que je lui soumets la lecture de la première page

    La lecture à voix haute de Zoé
    Me révèle que les efforts de Mathilde
    Ont payé, mais me montre aussi l’entendue de la dyslexie

    Du coup Zoé a gagné
    De se faire emmener
    En voiture au collège

    Comme dans Raffut, tu vois ?
    Explose-t-on de rire
    Maintenant que Zoé a lu le début

    À l’autoradio
    Je découvre la voix
    De Valérie Igournet, à propos du FN

    Je suis toujours admiratif
    De celles et ceux qui étudient
    L’ennemi jusqu’à l’intimité

    Arrivé en open space
    Je lance en hâte une impression
    Du pdf de Raffut. Impressionné

    Ce qui m’est confirmé
    Par un mail de l’orthophoniste
    D’Émile et Zoé, c’est lisible !

    Je réponds sporadiquement
    À des mails plus professionnels
    Mais dans ma tête quel feu d’artifice de joie !

    J’emmène assez fièrement
    Mes épreuves au BDP et je relis
    Pensant à L’Homme qui aimait les femmes

    Et de fait je trouve encore
    Ici ou là, ici une couleur
    Là une longueur (en pieds)

    Réunion en début d’après-midi
    Où j’apprends qu’on apprécie mon travail
    J’en suis toujours incrédule

    Je reçois un mail de Mathilde
    Qui a trouvé une belle astuce de mise en page
    Pour la déclaration au commissariat

    Le texte a tellement bien évolué
    Avec le travail de Mathieu et celui de Mathilde
    Que j’ai le sentiment de lire le roman d’un tiers !

    Immodestement
    Je lui trouve
    Des qualités !

    Je rentre à la maison
    Et fais quelques courses
    Avec Émile, calme et même gentil

    Pendant qu’Émile part se promener
    Je m’octroie une pause
    De la lecture et de la musique, un lundi soir !

    Pendant qu’Emile cuisine des pâtes
    Je pars chercher Zoé au métropolitain
    « Comme dans Zazie dans le métro, tu vois ? »

    Des fois ça tombe bien tout seul
    L’accumulation de z
    Sur deux lignes, c’est joli, je me dis

    Phil
    Virgule
    N’écoutant que son courage

    N’écoutant que mon courage
    Je vais au concert de Stéphane Rives
    Avec Seijiro Murayama aux 26 chaises

    Aux 26 chaises rue Polonceau
    Bien rare sans doute que les musiciens
    Jouent seuls, sans camion de poubelle

    Stéphane Rives, saxophone
    Seijiro Murayama, voix percussive
    Et un camion de poubelle

    Les immenses pouvoirs
    De Seijiro Murayama
    Faire tout avec rien

    Avec
    Presque
    Rien

    Et la beauté d’un Stéphane Rives
    Accroché à son anche
    Tel un naufragé

    Et l’un et l’autre
    Dans cette écoute fondamentale
    De l’Autre

    Etre à moins de deux mètres
    De tant de magie
    De tant de puissance, pacifique

    Chaque fois que je croise
    Seijiro Murayama et sa musique
    Je ne suis plus tout à fait le même, après

    Le deuxième duo
    N’a aucune chance de capter
    Mon attention, après

    Après, un peu aidé
    Par Stéphane et Lotus
    Je m’enhardis à échanger avec Seijiro

    Je lui reparle de nos croisements précédents
    La chambre d’hôtel à Nantes
    La terrasse du BDP, les concerts avec Jean-Luc

    Il m’écoute avec grand intérêt
    Je lui redis mon souhait
    Qu’il écrive dans Frôlé par un V1

    Fût-ce en japonais non traduit
    Cette fois-ci il a compris
    Les yeux ouverts, il est d’accord

    Et il veut lire
    Une Fuite en Égypte
    Il a appris le français pour lire, dit-il

    On se donne rendez-vous
    A la fin d’un concert jeudi soir
    En concurrence avec performance de Pauline Simon

    Il éclate de rire
    Il connait Pauline Simon
    Il est le personnage principal du V1

    Je ressors
    Des 26 chaises
    Tourneboulé

    Sur le quai de la gare
    Je remarque une femme
    Dont j’ai le sentiment de l’avoir déjà vue

    Je cherche, je cherche
    Je trouve
    Il y a dix minutes aux 26 chaises

    Nous échangeons
    A propos du concert
    En montant dans la rame

    Elle écoutait
    Seijiro Murayama
    Pour la première fois

    Je la préviens
    Qu’elle n’est sans doute pas la même depuis
    Elle sourit et acquiesce, elle descend, changée

    Grands moments
    D’hésitation et de solitude, rentré
    Ce sont les Monarques de Phil qui me délivrent

    #mon_oiseau_bleu