Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • UP Magazine - « Il faut empêcher la balkanisation de l’Internet »
    http://up-magazine.info/index.php?option=com_content&view=article&id=7721:il-faut-empecher-la-

    Michael Spence, le prix Nobel d’économie vient de signer une tribune qui nous met en garde sur ce que pourrait devenir Internet. Alors que toute l’économie mondiale est inextricablement liée à Internet et aux technologies numériques, le besoin de réglementation se fait chaque jour plus pressant. Toutefois, selon lui, il faut se garder de mettre en œuvre des réglementations fragmentées, maladroites, lourdes et incohérentes dont les conséquences pour la prospérité pourraient être considérables.

    L’affaire Facebook-Cambridge Analytica a révélé au monde que des dizaines de millions de profils Facebook ont été récoltées pour servir des objectifs politiques contestables. Cette affaire a produit un retour de bâton contre la plateforme de Mark Zuckerberg en particulier mais aussi des géants de l’internet en général. Cette affaire de fuite des données personnelles n’est qu’un des aspects des risques liés à Internet, pourtant au cœur de la révolution numérique actuelle.

    Risques numériques
    Mais des risques majeurs sont apparus. Michael Spence pointe notamment le monopole des méga-plateformes comme Facebook et Google ; la vulnérabilité aux attaques contre les infrastructures critiques, y compris les systèmes de marchés financiers et les processus électoraux ; et les menaces à la vie privée et à la sécurité des données et de la propriété intellectuelle. Par surcroît, des questions fondamentales ont émergé sur l’impact d’Internet sur les choix politiques, la cohésion sociale, l’engagement des citoyens et le développement de l’enfant.

    L’auteur fait observer qu’à mesure qu’Internet et les technologies numériques pénètrent plus profondément les économies et les sociétés, ces risques et ces vulnérabilités deviennent plus aigus.

    Frontières numériques
    C’est ainsi que l’absence de consensus ou de coopération risque de nous conduire à l’installation de frontières numériques nationales. Dans ce monde d’après l’Internet libre, tout serait chamboulé. Non seulement la circulation des données et de l’information serait entravée, mais aussi le commerce, les chaînes d’approvisionnement, et une quantité impressionnante de services et de pratiques quotidiennes qui nous semblaient « naturels » aujourd’hui et qui deviendront exceptionnels. Ce nouveau monde aux frontières numériques existe déjà : en Chine, la plupart des grandes plateformes technologiques américaines n’ont pas droit de cité. En contrepartie, le gouvernement des Etats-Unis, prenant prétexte d’un risque pour la sécurité, a interdit à la société chinoise Huawei de fournir du matériel de réseau ou de téléphonie mobile à des sociétés américaines. Cette initiative américaine ne trouve aucun relai en Europe où Huawei est accepté comme un acteur majeur du continent.
    Mais l’Europe elle-même et seule, décide de réglementer fortement la protection des données et de la vie privée. C’est le RGPD qui sera mis en vigueur courant mai. Cette réglementation va inévitablement entraver la circulation des données nécessaires à toutes les applications d’apprentissage machine et de deep learning. Mais cette contrainte n’est pas aussi stratégique pour les européens qu’elle pourrait l’être pour les Chinois ou les Américains. En effet, l’Europe ne dispose pas de méga-plateformes lui permettant de développer de façon concurrentielle des technologies d’apprentissage machine.

    Pour Michael Spence, « Alors que l’ensemble de l’économie mondiale est inextricablement lié à l’Internet et aux technologies numériques, il est plus important que jamais de renforcer la réglementation. Mais si cette réglementation est fragmentée, maladroite, lourde ou incohérente, les conséquences pour l’intégration économique - et, par conséquent, la prospérité - pourraient être graves. »
    Le prix Nobel d’économie appelle alors les décideurs à ne pas tenter de se mettre d’accord sur des détails, ce qui serait une mission impossible, mais au contraire à définir en commun un certain nombre de principes qui serviraient de base à de futurs accords multilatéraux. A minima, si l’on souhaite préserver une économie mondiale ouverte, ceux-ci devraient proscrire en priorité toutes les utilisations abusives des données.

    #Internet #Gouvernance #Régulation