• Assassinat d’Henri Curiel : vérités évidentes, justice empêchée
    Sylvie Braibant

    | Le Club de Mediapart
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    Il faisait chaud ce week-end de juin 1976. La sécheresse grignotait petit à petit toute la France. Paris était gagné par la torpeur. Dans la voiture de mon père, je m’étais à moitié endormie. Jusqu’à ce que je l’entende dire de sa voix douce « mais qu’est ce que c’est que ça ? ». Au feu rouge du croisement des boulevards Saint Michel et Saint Germain, il restait en arrêt devant un kiosque à journaux dont l’immense affiche apposée à son dos, proclamait fièrement le dernier scoop du Point : « Henri Curiel, le patron des réseaux d’aide aux terroristes ». Et de son ton toujours aussi calme, mais angoissé cette fois, il me dit : « Henri va être assassiné. »

    Deux ans et une nouvelle campagne de presse plus tard, toujours dans Le Point, puis le Speigel allemand, Henri était assassiné, une journée chaude encore, le 4 mai 1978, jeudi de l’ascension. Nous étions encore ensemble, dans la même voiture, la radio allumée, un flash nous annonça la nouvelle, et je me souviendrai toujours du visage soudain gris de mon père, lui qui manifestait si peu d’émotion.

    C’était en 1976, 1977, 1978, assassinats en Afrique du Sud – mise au ban des Nations Unies pour son régime d’apartheid -, assassinats en France, présidée par un homme moderne, ancien partisan de l’Algérie française. Des meurtres nombreux – des Algériens, des Palestiniens, des Basques -, parfois précédés d’articles de journaux comme ceux du Point, non signés, de faux scoops apportés sur un plateau d’’argent à Georges Suffert qui ne voyait rien de mal à l’apartheid ou aux dictatures d’Amérique latine, mais vomissait tout ceux qui se rapprochait de près ou de loin du communisme. Comme Henri Curiel. Plus tard, Georges Suffert reconnaîtra avoir été « un peu léger » sur ce coup là.

    • sur les ventes d’armes de la France à l’apartheid deux livres récents, très fouillés :
      Incorruptible, d’Evelyn Groenink
      Apartheid, Guns and Money de Hennie Van Vuuren.

      Le premier est une enquête sur l’assassinat de Dulcie September. Le second a fait l’objet ce matin même d’un dépôt de plainte contre les banques belge et luxembourgeoise qui ont soutenu ces ventes d’armes et permis de contourner l’embargo.