• Le film « Bécassine » ravive de mauvais souvenirs en Bretagne | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/162324/bretagne-film-becassine-boycott

    On est donc très loin du commentaire social que les membres de Dispac’h aimeraient voir. Pour eux, ce n’est qu’à cette condition que le personnage offensant de Bécassine devrait être utilisé, comme ils l’expliquent dans leur communiqué : « Opprimées parce que femmes, stigmatisées parce que Bretonnes, exploitées parce que prolétaires, voilà la seule réalité qui s’applique à Bécassine. Si vous voulez montrer Bécassine à l’écran laissez-la parler, montrez ses souffrances et ses révoltes ». Podalydès rétorque : « Mais Bécassine, ce n’est pas la Marianne de la Bretagne ! ». Défendant logiquement son film, le réalisateur estime que le boycott dessert sa propre cause. « Il n’y a rien contre la Bretagne dans le film, insiste-t-il. Ce qui est dommage avec ces réactions un peu braquées, c’est que ça réveille des vieux trucs pas terribles. Comme quelqu’un qui m’a dit : “Ils sont cons ces Bretons”. Je trouve que ce n’est pas un service rendu à la Bretagne. »

    Néanmoins, le réalisateur reconnaît dans l’affaire un point positif : l’appel au boycott a permis de faire parler de l’histoire des migrant E s breton NE s. Soit déjà une petite victoire pour Dispac’h. « En Bretagne, comme en Corse ou au Pays Basque, on ne nous apprend pas l’histoire de nos territoires, conclut Ewan Thébaud. On apprend seulement l’histoire de France. Ainsi, beaucoup de Bretons ne connaissent pas l’histoire de cette migration. C’est aussi l’occasion pour nous d’en faire parler. »

    #sexisme #classissme #parisianisme #paysannerie #cinema

    • En cherchant le docu j’ai trouvé ceci :
      http://fresques.ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00371/les-employees-de-maison-a-paris.html
      archives #ina 1962 #migration

      A la fin du XIXe siècle, une première vague d’émigration bretonne arrive sur Paris. La pression démographique exercée sur les campagnes bretonnes, à l’époque très catholique, est énorme. En effet en 1872 la population en Bretagne s’élève à 3 millions de personnes et la population rurale y représente au minimum 70 % dans les quatre départements, jusqu’à 91 % dans les Côtes-du-Nord. Ainsi face à l’exiguïté des exploitations agricoles qui ne peuvent nourrir toutes les bouches, il est nécessaire pour certains de se résoudre au départ pour trouver un emploi.

      Cet exode coïncide avec les premiers travaux de désenclavement de la région et l’arrivée du train dans les années 1870. Ainsi de 1872 à 1891, on compte pas moins de 126 000 départs, et plus de 200 000 de 1891 à 1911. Une émigration rurale, plutôt qu’un véritable exode dont le mythe a pourtant longtemps perduré, se met alors en place. Une émigration temporaire tout d’abord vers le bassin parisien, où les bretons peuvent trouver des travaux saisonniers dans l’agriculture puisqu’ils sont réputés pour leur robustesse et leur faible coût de main d’œuvre, ou encore vers les chantiers de construction de Saint-Nazaire et du Havre.

      Mais cette émigration temporaire, notamment vers la capitale, devient souvent définitive. D’après les estimations de l’abbé Cadic, un religieux originaire de Vannes, en 1905, 150 000 bretons habiteraient dans l’agglomération parisienne alors qu’ils n’étaient environ qu’une dizaine de milliers sous la Monarchie de Juillet. Cette émigration concerne fortement les femmes et particulièrement les jeunes filles encore un peu naïves et dures à la tâche, recherchées par les famille bourgeoises de la capitale. Un phénomène qui devient rapidement une image d’Épinal avec la création en 1905 du personnage de Bécassine dans le premier numéro de La semaine de Suzette. Ce personnage, né de l’imagination de Jacqueline Rivière suite à une bévue commise par la bonne bretonne de sa créatrice est dessinée par Joseph-Porphyre Pinchon. Quoique empreinte de nombreux clichés, cette image traduit néanmoins une réalité de l’époque. En effet au début du XXe siècle des milliers de jeunes filles montent à la capitale pour travailler en tant que « bonne à tout faire » dans les familles aisées parisiennes.

      Dans ce document, cette émigration des jeunes bonnes bretonnes est traitée de façon très positive et n’aborde pas l’histoire difficile de ces jeunes filles, notamment à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Par exemple, en 1926, Geneviève de Blignières, une Bretonne montée à Paris pour se consacrer à des œuvres sociales, s’aperçoit que 30 à 40 % des détenues de la prison Saint-Lazare sont bretonnes. Aussi décide t-elle, suite à ce constat, de créer en 1933 une maison d’accueil dans la gare Montparnasse afin d’aider et d’orienter ces jeunes filles vers un emploi et éviter les risques de la pauvreté et de la prostitution. Une structure qui deviendra en 1960 le Centre Social Breton et qui existe toujours mais dont la mission a bien évidemment changé depuis la fin des années 1960 car il est aujourd’hui un foyer de jeunes travailleurs spécialement dédiées aux jeunes filles d’origine bretonne. Cette émigration des jeunes bretonnes se poursuit donc tout au long de la première moitié du XXe siècle et même au lendemain de la guerre, comme en témoigne ce document. Cependant l’émigration bretonne vers le bassin parisien et notamment la seconde vague importante dans les années 1950 et 1960 va progressivement se modifier. La capitale a toujours besoin de main d’œuvre mais plus qualifiée et plus diplômée. Les bretonnes qui arrivent à la gare Montparnasse ne sont plus automatiquement accueillies et orientées vers le métier d’employée de maison. Elles investissent de nouveaux emplois dans la fonction publique, à la SNCF, la Poste ou encore la RATP. Ces femmes joueront aussi un rôle dans la modernisation de la région lors de leur retour en Bretagne, où elles contribueront à propager le style de vie citadin.