Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • Après ma consultation chez l’ostéopathe, cette dernière enchaîne avec le patient suivant, qui doit peser 125 kilogrammes de moins que moi, un nouveau-né.

    Ma chaîne ne fonctionnait plus, plus bien. Je suis donc allé chez le vétérinaire, il y avait effectivement un composant à huit euros qui avait besoin d’être changé. Dans le magasin du réparateur, en vitrine, des enceintes dont le prix, 28.900 euros, dépasse donc, de pas mal, mon revenu annuel. Je vérifie auprès du réparateur : « à ce prix-là c’est une ou les deux enceintes ?
    – Nous ne sommes pas des monstres », me répond-il, « à ce prix-là, vous repartez avec la paire ! » Je m’excuserais presque de la modicité de ma réparation, il m’assure qu’au contraire il est heureux de dépanner un client qui, d’après l’usure des composants de son ampli, doit écouter de la musique du matin jusqu’au soir (c’est vrai), alors que, avisant d’un hochement de tête, les enceintes à un an de salaire de petit ingénieur informatique de maîtrise d’ouvrage, celles et ceux qui achètent de tels équipements ne les usent pas forcément beaucoup.

    Le remplacement urgent des 1200 assiettes de service de l’Elysée par les ateliers de porcelaine de Sèvres coûtera donc 500.000 euros, soit un peu plus de quatre cents euros l’assiette. Un pognon de dingue !

    #pognon_de_dingue

    • Mon vénérable ampli a un peu plus de 30 ans. Je me disais récemment qu’il allait quand même falloir que je lui change le potentiomètre de volume qui craque un peu. Pour le reste, il est allumé 24h sur 24 et de s’en plaint pas. Et oui, c’est réparable ces petites bêtes, et c’est bien.

    • J’ai du changé mon ampli, un vieux Scott, qui avait plus de trente ans. Je suis allée dans la boutique d’un mec un peu fou, pas vraiment fait pour la vente, qui m’a recommandé un ampli d’une marque qui m’était totalement inconnue, Atoll. Marché conclus, il a tenu à venir voir mon installation à la maison mais j’hésitais parce que je savais avoir une enceinte mal placée et qu’il allait hurler en voyant cela. Comme j’étais arrivée à son magasin en fin de journée, il a fermé sa boutique et m’a suivi jusqu’à la maison. Il a regardé mon installation, évidemment constaté l’anomalie sans s’offusquer plus que ça puis s’est intéressé à mes disques. C’était la véritable épreuve que j’ai passée avec mention très bien :) Tout cela en discutant avec entrain. Il m’a ensuite invité à repasser à sa boutique le lendemain, il me donnerait du câble d’enceinte digne de ce nom (les miens étaient ceux d’origine). Une fois reparti, j’ai installé le nouvel ampli et j’ai été décoiffée en découvrant mes disques, le son n’avait plus rien à voir, je découvrais des sonorités qui m’avaient totalement échappées et d’une manière générale la musique était plus « lumineuse ».

    • L’année dernière un collègue dont le hobby est de fabriquer des enceintes dont le principe est assez génial, un seul speaker (et quel !) par enceinte et les basses prennent un chemin différent dans une sorte de grand tunnel à la courbe très élégante (au sortir de laquelle, en mattant la main on se faisait caresser par les basses, à se faire prendre par la main par Hélène Labarrière !), ce collègue voulait absolument me les faire essayer. On organise un échange de prisonniers dans le garage du travail. Je branche ses monstres et là, stupéfaction : épouvantable pour toute la musique classique, le jazz n’en parlons pas, les Beatles entièrement dénaturés au niveau des voix, Zappa pareil mais surprise, pour toute la musique improvisée, c’était à se damner, c’était comme d’être au premier rang aux Instants, même qu’une amie musicienne improvisatrice qui passait un jour à la maison aurait voulu se les acheter. Hélas, le prix.

      http://desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/otomo_yoshihide.mp3

      Il n’empêche, pour les lui rendre après un mois et le remercier de cette expérience curieuse, je l’ai invité à déjeuner à la maison pour qu’il se rende compte que mes enceintes étaient tellement plus naturelles et chatoyantes que le siennes, je lui ai malgré tout passé quelques disques de musique improvisée (notamment Otomo Yoshihide qui sonnait incomparablement sur ses enceintes), il n’avait jamais rien entendu de tel, c’était assez drôle. Cette non-rencontre.

      http://desordre.net/musique/aec.mp3

      Il y a une dizaine d’années, je suis allé chez une othorhinolaryngologue pour éventuellement dépister des polypes sur mes cordes vocales (aphone que j’étais depuis trois semaines - c’est à cette occasion que j’ai appris à mener un entraînement de rugby en mime et sifflet, j’aurais du faire breveter la méthode c’était remarquable de pédégogie), par bonheur, rien, si ce n’est cette expérience curieuse, l’othorhinolaryngologue une toute petite femme, peinant à faire le tour de ma carcasse, finalement, avec ma permission, s’installant presque sur mes genoux, pour me rentrer un fribroscope et me donner à voir sur un écran de contrôle tout le larynx et deux petites choses blanches vibrant comme des cordes de guitare affolées, les cordes vocales. Pendant qu’elle y était, comme elle a dit, elle a inspecté mes oreilles dans lesquelles il y avait à redire, deux petits bouchons de cire qu’elle a extraits, je me souviens que rentré à la maison, j’ai mis un disque de l’Art Ensemble of Chicago que je croyais connaître par coeur, c’était comme si j’avais ressuscité Lester Bowie !

      Vu que l’ampli est réparé, qu’il y a une nouvelle cellule sur la platine et des câbles neufs vers les enceintes, je me demande si je ne devrais pas reprendre rendez-vous chez l’othorhinolaryngologue.