Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Le numérique, à l’origine d’une nouvelle fracture sociale
    https://abonnes.lemonde.fr/emploi/article/2018/07/01/numerique-la-nouvelle-fracture-sociale_5324053_1698637.html

    Les exemples de ce type sont légion. Partout dans le monde, les technologies numériques facilitent l’accès à l’emploi, aident les personnes les plus fragiles à monétiser leur travail ou à améliorer leurs revenus, en vendant, par exemple, des productions artisanales ou en tirant meilleur parti d’une récolte. Un téléphone portable et une connexion Internet vont-ils faire ce que les politiques sociales et celles de développement ne sont pas parvenues à accomplir en quelques décennies : réduire les inégalités ?

    La réalité, analysée par les économistes, est plus complexe. Pour un chauffeur de VTC en Europe sauvé par le numérique, combien de taxis craignent de voir dégringoler leur chiffre d’affaires ? Pour un artisan indien, qui vend ses créations textiles en direct grâce à un site Internet, combien de petits marchands ruinés par les géants du commerce en ligne ?

    S’il crée des emplois, le numérique en supprime aussi. Surtout, il a un autre effet pernicieux sur l’emploi : il le transforme, et pas forcément dans le bon sens. « Dans nombre d’entreprises du numérique, c’est 10 % d’emplois qualifiés et 90 % de gens qui font des cartons », rappelle abruptement Jean-Hervé Lorenzi, le président du Cercle des économistes.

    Emergence d’un « cybertariat »

    Face à ce phénomène, certains n’hésitent pas à parler de l’émergence d’un « cybertariat » – une sorte de prolétariat de l’économie numérique. L’essor des plates-formes, dominées par les acteurs globaux que sont les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres Uber, fait pencher davantage encore la balance en faveur du capital.

    « Ces entreprises superstars sont très efficaces et, avec des rendements croissants, elles obtiennent des rentes de monopoles, analyse Patrick Artus. Les nouvelles technologies contribuent ainsi à la hausse des marges bénéficiaires des entreprises et à la baisse de la part des salaires dans le revenu national. »

    Dans un séminaire consacré aux mutations technologiques organisé par France Stratégie, Antonio Casilli, maître de conférences en humanités numériques à Télécom ParisTech et chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), et Ursula Huws, professeure à l’université du Hertfordshire (Royaume-Uni), spécialiste du travail et de la mondialisation, décrivent ainsi les emplois générés par les plates-formes : « Ce type de travail humain donne une image bien moins sophistiquée de l’intelligence artificielle, qui apparaît en fait comme un mélange d’automatisation et de “clickwork”, autrement dit, un travail en ligne répétitif et mécanique, à coups de clic de souris. Les travailleurs – pour la plupart asiatiques ou africains – touchent des salaires dérisoires pour “nourrir” les algorithmes qui gèrent les contenus en ligne (par exemple, pour marquer des photos), pour le compte de géants d’Internet comme Google ou Facebook. »

    Le rôle essentiel de la formation

    Et l’économiste de rappeler la théorie du porteur d’eau, chère à Alfred Sauvy : à Paris, au début du XXe siècle, on comptait encore 20 000 porteurs d’eau, que l’installation des canalisations et de l’eau courante a privés de leur gagne-pain. Cela leur a permis de cesser ce travail physiquement ardu pour un autre emploi moins pénible, par exemple dans le secteur des services. « Aujourd’hui, le porteur d’eau doit se transformer en personne capable de vendre des services aux entreprises », conclut Gilbert Cette. Et dans cette transformation, la formation et l’accompagnement ont un rôle essentiel à jouer. D’autant que selon l’OCDE, 65 % des écoliers d’aujourd’hui exerceront à l’âge adulte un métier qui n’existe pas encore !

    #Intelligence_artificielle #Travail #Neurocapitalisme