Quel discours éducatif contre le racisme portez-vous ?
J’essaie d’être le plus simple possible. De démontrer que le racisme n’est pas quelque chose de naturel, mais résulte d’une éducation. Je dis aux enfants que selon leur couleur de peau, leur sexe, leur orientation sexuelle, ils ne vivent pas la société de la même façon. Je leur dis de faire attention, qu’ils sont éduqués de manière inconsciente à se penser mieux que les autres, plus légitimes ou au contraire moins bien. Il s’agit de leur faire prendre conscience des stéréotypes que la société ancre en eux, pour déjouer les mécanismes de domination. Et pour l’heure, le racisme, quand il ne fait pas l’objet d’un déni, est traité de manière superficielle… Dans l’affaire Weinstein, on aurait pu s’en tenir à l’acte d’un gros dégueulasse, s’arrêter là. Mais ce cas a permis de mettre au jour le système qui le sous-tend, qui a permis à Weinstein de perpétrer ses violences avec un sentiment d’impunité : la domination des hommes sur les femmes. Or, quand il s’agit d’un acte de racisme, on ne se pose jamais la question. Si dans un stade, des supporteurs font le bruit du singe parce que je touche un ballon, parce que je suis noir, on se contente de dire qu’il s’agit de gens stupides. Mais cela raconte autre chose, cela dit quelque chose de la relation à l’autre selon la couleur de peau, d’une idée de supériorité. En chaque personne blanche, il peut y avoir des séquelles de cette façon de penser. Cela ne veut pas dire qu’il y en a forcément, mais on doit au moins se poser la question. Le documentaire de Raoul Peck sur James Baldwin, I Am Not Your Negro, l’explique très bien : il faut que les personnes blanches se demandent pourquoi ils ont besoin des Noirs. Parce que le racisme, ce n’est pas le problème des Noirs. Comme le sexisme n’est pas le problème des femmes, ou l’homophobie le problème des homosexuels. Ce n’est pas eux qui peuvent résoudre le problème. Et très souvent, c’est aux victimes qu’on demande de le résoudre.