• Affaire Benalla : encore un conseiller bien caché !
    Mediapart - 7 août 2018 Par Pascale Pascariello et Jacques Massey
    https://www.mediapart.fr/journal/france/070818/affaire-benalla-encore-un-conseiller-bien-cache?onglet=full

    Alexandre Benalla n’était pas le seul pivot de l’équipe de sécurité d’Emmanuel Macron. Mediapart reconstitue le réseau informel de ces conseillers de l’ombre du président, et révèle l’existence d’un autre de ses membres, Alexandre Carayon, placé au renseignement et à la lutte contre le terrorisme. Des « copinages malsains » au cœur de l’Élysée.


    #Benalla #BenallaMacron

    • Diplômé d’HEC, ex-salarié de la BNP-Paribas, ce jeune ingénieur est souvent présenté comme un surdoué de l’informatique. Dès janvier 2016, il rejoint l’équipe de campagne d’En Marche ! en tant que « directeur des nouvelles technologies ».

      Ses compétences en matière de sécurité informatique et de hacking ainsi que ses relations privilégiées avec Ismaël Emelien, le conseiller spécial d’Emmanuel Macron, lui ont permis de rejoindre le Palais au cœur du dispositif coordonnant le renseignement et la lutte contre le terrorisme. Quelle est la fonction exacte d’Alexandre Carayon ?

      Contacté par Mediapart, l’Élysée précise : « Ce recrutement a donné lieu à un contrat entre l’intéressé et les services du Premier ministre dont relève administrativement la CNRLT. M. Alexandre Carayon fait partie du pôle technique TIC [Techniques de l’information et de la communication – ndlr] dont les missions sont de veiller aux aspects numériques, notamment la cyber sécurité, pour la CNRLT. »

      Le CV de la séquence macronienne d’Alexandre Carayon présente bien des similitudes avec celui d’une autre cheville ouvrière de la campagne présidentielle, un homme pareillement reversé dans des fonctions sécuritaires à l’Élysée : Ludovic Chaker, secrétaire général d’En Marche ! (auquel Le Monde a consacré un portrait).

      Surnommé « le Ninja » en raison de sa connaissance des arts martiaux, Ludovic Chaker prend une part active au mouvement, dont il devient l’un des piliers avec l’actuel secrétaire d’État, Julien Denormandie, alors chargé du développement d’En Marche !. Ils partagent, eux aussi, une réelle complicité avec Ismaël Emelien, conseiller spécial d’Emmanuel Macron.

      Au terme de son équipée électorale, Ludovic Chaker fait son entrée à l’Élysée en tant que chargé de mission à l’état-major particulier de la présidence de la République (EMP). Une vraie récompense, si l’on considère les qualités requises pour intégrer ce cénacle très fermé de la rue de l’Élysée. Formé de quatre officiers supérieurs « de très haut niveau », en liaison avec les armées, ce cercle restreint est dirigé par l’amiral Bernard Rogel. Son rôle est capital. Il conseille le chef de l’État dans la conduite de la politique de défense.
      Dans un article de L’Opinion consacré à Ludovic Chaker, Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialiste des questions militaires et stratégiques, note que « ce serait la première fois qu’un tel poste est créé au sein de l’une des institutions les plus confidentielles du pays. “Nous sommes hors-sol”, juge un bon connaisseur de ces milieux ».

      Le tandem Benalla-Chaker

      « Fana mili » (fanatique militaire, passionné de la chose militaire), Ludovic Chaker intègre en 2005 la réserve opérationnelle du corps des officiers de l’armée de terre avec le grade de sous-lieutenant. Depuis, il est régulièrement promu, jusqu’à l’obtention du grade de commandant en 2018.
      Souvent, durant la campagne, il s’est présenté comme « ancien militaire, 44e régiment d’infanterie », une formation administrative des militaires de la DGSE. Mais d’autres personnels peuvent aussi y être rattachés.

      Comme le précise Jean-Dominique Merchet : « Il est étonnant qu’un responsable d’En Marche ait ainsi fait état de cette appartenance. Il n’est pas exclu qu’il fasse partie “de la mouvance des réservistes du J9”, le bureau en charge des actions civilo-militaires du commandement des opérations spéciales, “qui ne servent pas beaucoup”. »

      Hors de tout organigramme, quel emploi occupe-t-il vraiment à l’état-major particulier de la présidence de la République ? « Concernant le contenu de ses missions, elles portent sur des sujets de coordination (entre l’EMP, le CNRLT et le cabinet par exemple), (...) de veille sur différents sujets », répond vaguement l’Élysée à Mediapart. Selon des sources du milieu militaire, il rédigerait, « pour la présidence », des notes de synthèse sur la menace terroriste.

      C’est en tant que secrétaire générale d’En Marche ! que Ludovic Chaker a travaillé avec Alexandre Benalla, recruté par ses soins en décembre 2016 pour assurer la sécurité du candidat Macron. La lecture des échanges de mails entre Alexandre Benalla et Ludovic Chaker durant la campagne présidentielle (consultables dans les MacronLeaks) montre que cette relation a vite prospéré. Benalla se prévaut, notamment, de l’autorisation de « Ludo » pour acheter des armes. Demande finalement refusée par le parti.

      En cela, l’intégration en début d’année, au sein du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), de leur ami Christian Guédon a été vécue comme la confirmation de leur légitimité. Cet ancien du GIGN a lui aussi servi, avec Pierre-Yves Baratier, ancien militaire reconverti dans le privé, et Vincent Crase, officier de réserve de la gendarmerie – l’acolyte d’Alexandre Benalla lors de la manifestation du 1er mai –, au quatrième étage des locaux du mouvement En Marche !. Étage du QG de campagne qui regroupe le service d’ordre.

      Concernant Christian Guédon, son entrée au Palais n’était pourtant pas évidente. Ayant quitté le service actif depuis sept ans, sa reprise d’activité avait été jugée irréalisable administrativement par la hiérarchie de la Gendarmerie. Mais tout comme Emmanuel Macron a su imposer Alexandre Benalla au colonel Lionel Lavergne et au général Éric Bio-Farina dès son arrivée à l’Élysée, le président a, là aussi, obtenu gain de cause pour faire entrer Guédon dans l’unité de protection présidentielle...