Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • La crise du « Média » : une tentative de diagnostic sociologique | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/dominique-g-boullier/blog/210818/la-crise-du-media-une-tentative-de-diagnostic-sociologique

    par Dominique Boullier

    Un projet ambitieux comme Le Média demande de mobiliser des compétences et des visions différentes qui doivent trouver une synergie. Mais le débat n’est pas cadré de la même façon par tous. Plusieurs principes supérieurs semblent être entrés en conflit (le business, la réputation, l’expertise journalistique, le militantisme). Ils sont pourtant tous nécessaires à la survie du projet du Média.

    Un projet ambitieux comme le média demande de mobiliser des compétences, des références, des visions différentes qui doivent trouver une synergie, toujours provisoire et donc révisable, c’est même la condition de la survie. Mais il est parfois difficile d’identifier les origines de ces différences car le débat n’est pas cadré de la même façon par tous. L’entrée dans une « épreuve de justification » peut donc être favorable à condition de ne pas devenir un exercice de démolition réciproque, ce qui semble s’être passé pendant le séminaire de juillet.

    Plusieurs mondes et plusieurs principes supérieurs semblent être entrés en conflit et ils sont pourtant tous nécessaires à la survie du projet du média. Le problème est un bien un problème d’accord entre des principes, de dosage du compromis qu’il faut de toutes façons trouver. La solution n’est pas dans une purification des principes (car il y en a plusieurs précisément) ni dans un arrangement pour tenir bon et masquer les différends car ils reviendront en force de toutes façons.

    Quatre principes semblent contribuer au média et donc à sa gouvernance et sont représentés par des personnes différentes, porteuses d’une vision plutôt que d’une autre.

    1/ Le premier principe est celui du business, de la rentabilité, de la performance du projet sur un marché concurrentiel, etc.

    2/ Le deuxième principe supérieur qui domine nécessairement dans un média, c’est celui de l’opinion, qui est devenu désormais celui de la réputation. Un média joue avant tout dans ce registre, d’autant plus pour le média qui était d’emblée une cible privilégiée des concurrents. La réputation médiatique se gagne avec des alliés qui ont déjà de la réputation, ce qui est un cercle vicieux, c’est vrai mais chacun le constate à la télévision où l’on invite toujours les gens connus …par les médias (et donc les gens des médias eux-mêmes d’ailleurs, d’où cet effet de connivence qui fait perdre pied avec le réel).

    Comme on le voit, les deux principes supérieurs qui ont été les plus actifs sont le business et la réputation (ou l’opinion). Or, ce sont précisément ceux qui dominent notre monde financiarisé et qui le mènent à sa perte. Le projet du média se devait de rééquilibrer cela par deux autres principes qui avaient été annoncés et qui ont eu bien du mal à s’exprimer.

    3/ Le troisième principe qui était au cœur du projet, c’est bien l’expertise journalistique, au sens d’un savoir-faire professionnel, qui soit réinventé et retrouvé contre sa dénaturation par le business et la réputation dans les médias dominants. Le démarrage avec des professionnels du journalisme était de ce point de vue une garantie qu’on n’allait pas avoir la radio de campus sympa mais totalement amateur ni le canal militant de la bonne parole certifiée.

    4/ Le quatrième principe qui est au cœur du projet du média, c’est le militantisme, on appelle ça en sociologie pragmatique le principe civique, celui de la mobilisation des citoyens, de leur contribution. Sur ce plan, le nombre est toujours un critère décisif. Or, les socios sont particulièrement nombreux et leur capacité à soutenir le projet a été un principe nettement différenciant par rapport à tous les autres nouveaux médias. Cette référence au nombre, au pouvoir du collectif et aux règles juridiques qui le reconnaissent comme dans toutes les institutions, a été souvent mobilisée pour protester contre la mise à l’écart des socios du processus de décision. Ce qui d’un strict point de vue business, ou réputation ou journalistique n’est pas un problème : c’est avant tout parce que le média porte ce principe du pouvoir du collectif que la question se pose.

    Instituer pour garder l’élan vital

    C’est le dernier point que je peux mettre en débat là aussi. L’élan vital doit être préservé et tout ce qui a contribué à des postures mortifères doit être réparé et cela ne peut se faire que par un débat qui admette la difficulté du compromis à trouver. Instituer, ce n’est pas tuer le projet, ce n’est pas le normaliser, c’est au contraire lui donner une chance de vivre en donnant sa place à chacun, selon de nouvelles règles et de nouveaux équilibres plus explicites. (Vitam instituere dit Legendre, c’est la fonction des institutions , garantir les places de chacun).

    #Médias #Journalisme #Sociologie_pragmatique