Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Yuval Noah Harari : « On dispose des technologies pour pirater les êtres humains »
    https://www.lemonde.fr/long-format/article/2018/09/19/yuval-noah-harari-on-dispose-des-technologies-pour-pirater-les-etres-humains

    La démocratie libérale part du principe que notre cerveau est une boîte noire qui est remplie de nos désirs et de nos pensées et à laquelle nous seuls avons accès. C’est un régime qui postule que l’électeur sait ce qu’il fait. On décide du Brexit parce qu’on accorde la plus haute valeur au sentiment de l’électeur britannique. Et personne ne conteste la véracité de ce sentiment. Or, la crise actuelle naît du fait qu’on dispose des technologies pour pirater les êtres humains, et pas seulement les portables ou les ordinateurs. La révolution, c’est qu’on peut comprendre vos désirs, vos sentiments, vos pensées, et vous contrôler.

    Les « fake news » n’ont rien de nouveau, mais maintenant on peut en nourrir les individus en les ciblant. Si quelqu’un hait les migrants, on lui montre une histoire de migrants violant des Françaises, il va facilement y croire, même si elle n’est pas vraie. Les fausses nouvelles sont fabriquées pour provoquer un effondrement du discours public, pour emmener les gens vers les extrêmes.

    Venant d’un israélien, ce paragraphe fait plaisir à entendre. Un peu de réalisme...

    Il existe un paradoxe israélien. Le pays est au sommet de l’innovation mais, en même temps, il semble s’avancer vers un tribalisme sans précédent. Pourquoi ?

    Ce n’est pas un paradoxe. On sait, grâce à l’histoire, que le fanatisme religieux, le nationalisme et le tribalisme peuvent coexister avec les innovations technologiques. Il est courant de mettre les technologies les plus avancées au service d’idées mythologiques et de passions tribales. Ce qui rend en partie Israël si innovant est son sentiment de crise existentielle permanente – cette idée que, si on n’innove plus, on sera détruit. Ce processus renforce aussi les sentiments tribaux.

    Prenons l’intelligence artificielle. L’un des laboratoires les plus importants, dans le domaine de la formation d’une dictature numérique, se trouve en Cisjordanie occupée. Là, se rencontrent les pires aspects du tribalisme israélien et juif – le fanatisme religieux – et les technologies les plus avancées. Comment contrôler de façon efficace, une population de 2,5 millions de personnes en utilisant l’intelligence artificielle, le big data, les drones et les caméras ? Israël est leader en matière de surveillance : le pays fait des expériences puis les exporte dans le monde entier.

    Ce que vivent les Palestiniens en Cisjordanie est peut-être le préambule de ce que vivront des milliards de personnes dans le monde : on sera constamment sous l’œil d’un régime de surveillance extrême. En Cisjordanie, on peut déjà difficilement passer un coup de fil, se retrouver entre amis, aller d’Hébron à Ramallah, sans être filmé et repéré. Toutes ces données sont intégrées dans des flux, des algorithmes, des ordinateurs dits intelligents qui possèdent d’innombrables informations sur vous et déterminent des modèles. On apprend à reconnaître des schémas types de comportement humain. Pas besoin d’attendre que quelqu’un écrive sur Facebook : « Je veux tuer un Israélien. »

    C’est l’une des raisons pour lesquelles l’occupation israélienne est si sophistiquée et efficace. On a besoin de beaucoup moins de soldats sur le terrain. Il y a un aspect positif : on peut lutter plus facilement contre le terrorisme et éviter la brutalité extrême que représente un flot de soldats déployés sur le territoire. Mais il y a aussi un aspect négatif : les Israéliens développent des méthodes de plus en plus complexes pour contrôler des millions de personnes, puis les exportent dans le monde entier. Toutes sortes de régimes savent qu’Israël est en pointe dans ce domaine.

    #Intelligence_artificielle #Israel #Surveillance