LâĂ©cotartuffe du mois, par Nicolas Casaux
â»https://www.facebook.com/nicolas.casaux/posts/10155970187972523?__tn__=K-R
Voudriez-vous voir se former un mouvement de résistance sérieux contre le capitalisme ? Si oui, oubliez Aurélien Barrau.
Cet astrophysicien a rĂ©cemment acquis une certaine notoriĂ©tĂ© Ă cause de sa perspective Ă©cologiste : il a rĂ©cemment publiĂ© un appel signĂ© par plein dâidiots utiles de lâindustrie du divertissement (dâAlain Delon Ă Muriel Robin) demandant la restriction de certaines libertĂ©s individuelles afin de sauver la planĂšte. Que ceux qui ont le plus profitĂ© des conforts et des luxes de la civilisation industrielle, qui sont parmi les plus privilĂ©giĂ©s des privilĂ©giĂ©s, se permettent de demander aux autoritĂ©s quâelles restreignent les libertĂ©s du peuple, tout de mĂȘme, il fallait oser — mĂȘme si lâexpression "libertĂ©s individuelles" est une triste blague dans le cadre de la sociĂ©tĂ© technocapitaliste, bien entendu, mais câest une autre histoire. Ainsi, cet appel est une sorte de plaidoyer en faveur de lâĂ©cofascisme prĂ©dit par Bernard Charbonneau il y a plusieurs dĂ©cennies :
« LâĂ©cofascisme a lâavenir pour lui, et il pourrait ĂȘtre aussi bien le fait dâun rĂ©gime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nĂ©cessitĂ©. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints dâagir pour gĂ©rer des ressources et un espace qui se rarĂ©fient. [...] Si la crise Ă©nergĂ©tique se dĂ©veloppe, la pĂ©nurie peut paradoxalement pousser au dĂ©veloppement. Le pĂ©trole manque ? Il faut multiplier les forages. La terre sâĂ©puise ? Colonisons les mers. Lâauto nâa plus dâavenir ? Misons sur lâĂ©lectronique qui fera faire au peuple des voyages imaginaires. Mais on ne peut reculer indĂ©finiment pour mieux sauter. Un beau jour, le pouvoir sera bien contraint dâadopter une façon de faire plus radicale. Une prospective sans illusion peut mener Ă penser que le virage Ă©cologique ne sera pas le fait dâune opposition dĂ©pourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour oĂč elle ne pourra plus faire autrement. Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui aprĂšs lâabondance gĂ©reront la pĂ©nurie et la survie. Car ceux-lĂ nâont aucun prĂ©jugĂ©, ils ne croient pas plus au dĂ©veloppement quâĂ lâĂ©cologie : ils ne croient quâau pouvoir. »
Ecofascisme qui ne rĂ©soudrait bien Ă©videmment rien du tout, puisquâil nâimplique aucun changement fondamental.
Aucune critique du capitalisme et de ses implications Ă©conomiques mondialisĂ©es (il reconnait, certes, que le capitalisme pose quelques problĂšmes mais trouve quâil a aussi des vertus), de lâidĂ©ologie qui lâanime, aucune critique du pouvoir, aucune critique des mĂ©canismes de coercition sur lesquels il repose (il ne blĂąme pas plus les dirigeants que tout le peuple, nous sommes responsables, nous avons les dirigeants que nous mĂ©ritons, etc., il ne comprend manifestement pas comment le pouvoir sâest organisĂ© et se maintient), aucune critique de lâimposture dĂ©mocratique, espoir placĂ© en des actions potentielles que nos dirigeants pourraient prendre, croyance en une civilisation industrielle rendue verte grĂące aux EnR, le cocktail habituel des vendeurs dâillusions de lâĂ©cocapitalisme.
Mais pourquoi ? Pourquoi demander leur avis Ă des astrophysiciens ? Pourquoi demander leur avis Ă des gens — Ă des gens de la haute — qui passent leur existence Ă travailler sur des sujets aussi Ă©loignĂ©s du quotidien de toutes les espĂšces vivantes et des rĂ©alitĂ©s du monde, du monde Ă la mesure de lâĂȘtre humain ? Bref, on a trouvĂ© celui qui succĂšdera Ă Hubert Reeves dans le rĂŽle de caution dâautoritĂ© astrale de lâĂ©cocapitalisme.
(Câest une question rhĂ©torique, bien Ă©videmment. Le fait de demander son avis Ă un astrophysicien nâest quâune incarnation de la domination de lâautoritĂ© Science, de lâexpertocratie, et de lâidĂ©ologie progressiste, fascinĂ©e par lâunivers et sa conquĂȘte. Lâastrophysicien, qui connait (?) les trous noirs, ces choses incroyablement complexes qui nous dĂ©passent, nous, simples mortels, doit forcĂ©ment connaĂźtre la situation socioĂ©cologique terrestre. Câest une illustration parfaite de ce que câest quâun argument dâautoritĂ©. Câest un grand scientifique, il doit savoir. Malheureusement pas, (ultra-)spĂ©cialisation oblige. Lâappel dâAurĂ©lien Barrau et son plaidoyer pour plus encore dâembrigadement Ă©tatique sont Ă©galement trĂšs bien anticipĂ©s, parfaitement mĂȘme, dans le livre "Catastrophisme, administration du dĂ©sastre et soumission durable" de RenĂ© Riesel et Jaime Semprun.)