Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • UP Magazine - Les organismes génétiquement modifiés par CRISPR passeraient la barrière des espèces. Et c’est une très mauvaise nouvelle.
    http://www.up-magazine.info/index.php?option=com_content&view=article&id=8038:les-organismes-genet

    Le paludisme, le Zika, le chikungunya… sont des fléaux terribles. Causés par des moustiques que tous les pays touchés entendent éradiquer. Les chercheurs examinent depuis longtemps des solutions chimiques (insecticides), physiques (radiations), transgéniques… Rien ne semble assez efficace à côté d’une arme massue : le forçage génétique. Il s’agit d’une technique de manipulation génétique qui permet de booster la propagation d’une mutation dans une population.
    Une étude vient d’être publiée dans la revue Nature Biotech. Elle établit que cette technique, appliquée sur des populations de moustiques fonctionne parfaitement. Mais elle révèle aussi que la mutation génétique introduite artificiellement pourrait ne pas se contenter de cibler certaines espèces de moustiques. Elle pourrait passer la barrière des espèces et se propager à d’autres espaces animales, les menaçant d’une éradication définitive. Un danger majeur qui prouve, une fois de plus, les risques préoccupants que font courir certaines techniques de manipulations génétiques.

    Ce qu’il faut comprendre, c’est que les chercheurs ont ciblé un gène de détermination du sexe qui est hautement conservé dans le processus évolutionnaire naturel. Cela signifie que cette séquence ADN particulière est restée la même au fil du temps sur une échelle évolutionnaire et qu’elle n’a pas été modifiée par des mutations aléatoires. Une séquence hautement conservée implique un gène conservé et hautement protégé, où toute altération de cette séquence génétique entraînerait une forme de vie non viable. Le choix d’une séquence génétique hautement conservée, en particulier le gène " doublesex " de détermination du sexe, comme site cible du gene drive signifie qu’aucun allèle de résistance viable (variants génétiques) n’apparaît et ne se propage pour sauver la population en labo ou potentiellement la population sauvage.

    Il y a un hic
    Le problème est que cette séquence cible est si bien conservée dans la nature qu’on peut la trouver dans toutes les espèces d’anophèles analysées jusqu’à présent. Pour la professeure Ricarda Steinbrecher de l’Université d’Oxford, il s’agit d’un problème très préoccupant. Elle déclare en effet dans un courriel à la rédaction de UP’ Magazine : « une fois que le complexe de gènes (ou transgène de gènes) traverse l’une des autres espèces, il pourrait potentiellement traverser d’autres populations et espèces, réduire fortement voire éliminer ces populations, avec des conséquences écologiques et de biodiversité potentiellement graves ». Elle ajoute : « Lorsqu’on étudie les limites de reproduction entre les espèces d’anophèles, il y a un degré de fluidité qui montre que des croisements entre différentes espèces de moustiques se produisent. [Des études antérieures ont déjà] signalé un taux d’hybridation global de 0,1 % dans la nature. Ces résultats sont très alarmants lorsqu’on examine les conséquences potentielles de la dissémination de moustiques porteurs de gènes dans la nature, en particulier lorsque le site cible est si bien conservé que dans la présente étude. »

    Si le gene drive passe la barrière des espèces, on peut légitimement craindre qu’il ne se propage à des populations animales qui se nourrissent de moustiques comme par exemple les chauves-souris, ou à des organismes piqués par des moustiques génétiquement modifiés.
    Cette crainte n’échappe pas au professeur Esvett, l’un des auteurs de l’étude ; il confie en effet au site d’informations spécialisées GEN « si les scientifiques se trompent et que l’espèce cible se croise avec d’autres moustiques anophèles, le fait que la séquence cible doubleex est très conservée signifie qu’elle pourrait se propager à des espèces non ciblées »

    Pour Dorothée Browaeys qui vient de publier l’Urgence du vivant, plus préoccupante encore est la question de l’usage de cette technique gene-drive qui constitue un outil de "gestion des nuisibles".
    Car comment juger qu’une population est "indésirable", "gênante" ? Au regard de quel critère ? Elle tente une réponse : « Le terme nuisible, est appliqué par l’agrobusiness à tout ce qui minimise le rendement des récoltes, la productivité. Or il existe un foisonnement de prédateurs qui menacent les intérêts économiques. Et le gene drive pourrait être bien utile pour en finir avec ces « ravageurs » vus comme de stricts nuisibles, alors qu’ils peuvent être aussi des pollinisateurs ou des rouages utiles des écosystèmes ».

    #Génétique #Moustiques #Gene_drive #Danger #Ecologie

    • https://jefklak.org/forcer-les-genes-et-lafrique

      Les méthodes de prévention et de traitements comprenaient jusqu’à présent des moustiquaires à imprégnation durable, des pulvérisations et des médicaments antipaludiques. Mais aujourd’hui, quelques adeptes du progrès technique affirment pouvoir éliminer la maladie en amont, c’est-à-dire au sein même de l’ADN des moustiques vecteurs du paludisme. Si cela semble tout droit sorti d’un livre de science fiction, il s’agit bel et bien de l’objectif de Target Malaria, un consortium de recherches principalement financé (à hauteur de 92 millions de dollars) par la Fondation Bill et Melinda Gates et le projet Open Philanthropy dont les fonds proviennent en grande partie de Dustin Moskovitz, cofondateur de Facebook.

      Target Malaria postule qu’il existe un consensus selon lequel on aurait besoin de « nouveaux outils pour éliminer le paludisme ». Le « nouvel outil » en question est le forçage génétique, une technique pouvant modifier le code génétique de populations entières d’Anopheles coluzzii, d’Anopheles arabiensis et d’Anopheles gambiae, trois espèces de moustiques vecteurs du paludisme, et c’est sur cette dernière que travaille Target Malaria. Grâce au forçage, un gène modifié est assuré d’être transmis à la totalité de la génération suivante, il suffirait donc de ne relâcher qu’un nombre restreint d’insectes dotés de gènes modifiés pour propager les traits censés éradiquer l’ensemble de la population de diptères. Parmi les différentes stratégies étudiées par les responsables du projet, les deux principales consistent à créer des souches de moustiques femelles fertiles mais dont une grande partie de la descendance serait stérile, ou bien à développer une population de moustiques mâles incapables de transmettre leur chromosome X, et ne donnant ainsi naissance qu’à des mâles.