Il y a différentes dimensions à ce mouvement (si, si, c’en est un !) et oui, il a des relents de poujadisme. Mais en même temps, je suis de cette France périphérique dont on tente même de nier l’existence à travers chiffres, études, baratins divers, en voulant nous faire croire que la République est toujours une et indivisible.
Mon cul !
Ceux qui me lisent depuis longtemps savent que ce n’est pas une posture, un « terrain » journalistique : j’y vis, tous les jours et cela fait des années que je raconte ce que ça fait très concrètement de se battre — non pas contre la désertification ou l’exode, comme certains le prétendent : il y a toujours plus de nouveaux arrivants, merci ! — mais contre la défection des collectivités, de l’État, des services publics à tous les étages.
Depuis 20 ans, on lutte régulièrement pour garder les écoles, les collèges, les transports, les médecins, les bureaux de Poste, les techniciens de réseaux, les hostos…
Et vous savez quoi ?
On perd.
À tous les coups, on perd.
Parfois, on racle un sursis. Mais ce n’est pas grave, les gus, en face, ils suivent le programme d’exploitation des colonies intérieures , de captation des ressources (humaines, matérielles, administratives, tout !) au seul profit des grandes métropoles régionales.
Suffit de patienter une génération de gosses (4 ans, max), le temps d’espérer des parents d’élèves moins combattifs, plus préoccupés par la survie et paf, on l’aura, ton école de village, ton RPI, ton collège avec son option unique tenue par une bénévole qui finira bien par être trop vieille pour continuer.
Quand j’étais gosse, la SNCF clamait : « le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ».
Aujourd’hui, son directeur fraichement parachuté de… Air France (ça ne s’invente pas !) annonce la couleur : TGV pour relier les centres d’affaires, servir les 10 % les plus riches et que dalle pour les autres.
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En fait, maintenant, on lutte juste la survie quotidienne, avec des gendarmes qui collent des prunes sur nos routes pourries et pas entretenues limitées à 80 km/h, mais sont devenus quasi inaccessibles (des brigades volantes → des fois, tu sonnes à la porte de la brigade du bled parce que tu as un problème et c’est le type de garde de la préfecture qui te répond : 60 bornes, il ne sait même pas où tu es !).
Le coup du 80 km/h, quand tu navettes jusqu’à 150 km/jour pour taffer, on l’a bien senti comme une grosse punition de plus. Surtout que derrière, le patronat est à la manœuvre pour demander la privatisation des dernières nationales qui nous relient encore au monde (ouais, parce que les lignes de train, de bus et tout ça, c’est plus ou moins mort depuis longtemps !).
Ça et tout le reste.
Donc oui, ce n’est peut-être pas le bon public, pas la bonne révolte, pas les bonnes raisons, mais franchement, quand les trimards des bleds expriment leur colère ravalée depuis des années, ce n’est surtout pas le moment de les traiter avec condescendance ou de les abandonner aux petits bras musclés des nervis réactionnaires qui, eux, savent déjà très bien vers quel genre de cible canaliser toute cette belle colère par encore utile !