enuncombatdouteux

NI ACTUALITÉS NI COMMENTAIRES, ..... DU COPIER-COLLER ET DES LIENS... Un blog de « curation de contenu » : 82 LIVRES , 171 TEXTES et 34 DOCUMENTAIRES :

  • " Nocturne indien " par Antonio Tabucchi
    https://enuncombatdouteux.blogspot.com/2018/11/nocturne-indien-par-antonio-tabucchi.html

    « Comment s’appelait-il ? »
    « Il s’appelait Xavier », répondis-je.
    « Comme le missionnaire ? » demanda-t-il. Et il ajouta ensuite : « Il n’est pas anglais, n’est-ce pas ? »
    « Non », répondis-je, « il est portugais, mais il n’est pas venu en tant que missionnaire, c’est un Portugais qui s’est perdu en Inde. »


    Le médecin hocha la tête en signe d’approbation. Il avait une demi-perruque brillante qui changeait de place chaque fois qu’il remuait la tête, comme une calotte de caoutchouc. « En Inde beaucoup de gens se perdent », dit-il, « c’est un pays qui est fait exprès pour cela. » Je dis : « En effet. » Et je le regardai, et lui aussi il me regarda d’un air absent, comme si sa présence était due au hasard, comme si tout était dû au hasard, parce qu’il devait en être ainsi.(...)

    Je me levai et il me précéda dans le long couloir jusqu’à la porte d’entrée. Je m’arrêtai un instant dans le hall et nous nous serrâmes la main. Tout en sortant, je le remerciai brièvement. Il sourit et ne répondit pas. Et puis, avant de fermer la porte, il me dit : « La science aveugle laboure des terres stériles, la foi folle vit le rêve de son culte, un dieu nouveau n’est qu’un mot, ne crois pas, ne cherche pas : tout est occulte. »

    Je descendis les marches et fis quelques pas dans l’allée de gravier. Puis je compris brusquement, et me retournai rapidement : c’étaient les vers d’un poème de Pessoa, mais il les avait dits en anglais, c’est pourquoi je ne les avais pas reconnus tout de suite. Le poème s’intitulait Noël. Mais la porte était déjà fermée et le serviteur, au bout de l’allée, m’attendait pour fermer le portail.