• L’UE compte sur la Serbie pour bloquer les réfugiés

    Des agents de la Frontex devraient bientôt être déployés en Serbie. L’objectif : sécuriser les frontières extérieures de l’Union européenne contre de nouvelles arrivées de réfugiés. Mais Belgrade espère aussi marquer des points auprès de Bruxelles pour accélérer son intégration...

    En Serbie, on ne s’agite au sujet des migrations illégales qu’en cas d’incident, supposément provoqué par les réfugiés, ou à l’occasion d’un rapport sensationnaliste concernant leur « séjour prolongé » dans le pays. Mais l’annonce du déploiement prochain d’hommes de Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, à ses frontières a provoqué l’émoi de la population et des médias.

    Que signifierait donc un accord conclu entre Frontex et la Serbie ? Rien de spécial. La Serbie pourrait ainsi se rapprocher de l’Union européenne en termes de politiques de gestion des migrations. En pratique, cela signifierait seulement qu’aux passages frontaliers, les policiers serbes seraient épaulés par des membres des forces de l’ordre d’un État-membre de l’UE, missionnés par Frontex. Ces derniers seraient mobilisés aux frontières sud de la Serbie, mais aussi à celles de l’Albanie et de la Macédoine, pays des Balkans avec lesquels Frontex a signé un accord identique.

    « Protéger les frontières de l’UE »

    La réponse « rien de spécial » doit néanmoins être considérée moins d’un point de vue administratif que d’un point de vue colonial. Le développement de la coopération avec Frontex ne représente pas seulement la poursuite du dialogue avec l’UE, mais également une sorte de « délégation de sa souveraineté ». Cette délégation ne serait pas forcément inopportune dans une perspective d’intégration, mais le rapport de domination exercé par Bruxelles sur Belgrade laisse peu de marge de manœuvre à la Serbie.

    Les médias serbes ont expliqué que les représentants de Frontex « protégeraient les frontières de l’UE ». Certes, certains secteurs au sein de l’UE sont considérés comme « poreux », mais la vague de réfugiés de 2015 a complètement bousculé la perspective. Les frontières avaient alors été « ouvertes » sur la route des Balkans et le corridor contrôlé, assurant le transit des candidats à l’exil jusqu’à leur destination finale dans l’ouest et le nord de l’UE. La signature de l’accord entre Bruxelles et Ankara en mars 2016 en a marqué la fermeture définitive. Tout le monde pensait alors que le problème des migrations illégales massives serait résolu, mais la contrebande n’a fait que croître tandis que la sécurité des réfugiés et des migrants était davantage mise en danger.

    De nouvelles « zones de sécurité »

    Il y a quelques mois, l’accueil en logements collectifs pour des personnes débutées de leurs demande d’asile dans l’UE a également été évoqué. Les rumeurs selon lesquelles ces centres d’accueil pour demandeurs d’asile seraient construits dans les pays des Balkans ont récemment été confirmées par les sommets des Etats autrichien et allemand. La mise en place de telles structures ne serait pas envisageable en Serbie, qui accueille déjà environ 4000 migrants qui souhaitent poursuivre leur route vers l’UE, soit les 2/3 de ses capacités totales d’accueil (6000 places). La tâche d’empêcher les migrants de pénétrer dans l’UE a été confiée à la Turquie où se trouvent actuellement plus de 3,5 millions de réfugiés syriens.

    Jusqu’à présent, la gestion des réfugiés en Serbie a été clairement définie par les politiques de l’UE relatives aux migrations illégales et en conformité avec l’agenda européen. Dans cette optique, le déploiement de la mission Frontex dans les pays non-européens serait de limiter le déplacement libre des migrants et des réfugiés, sous le prétexte de « lutter contre les migrations illégales ».

    Le temps dira si cet engagement s’inscrit dans la logique du renforcement des Balkans comme « zone de sécurité » entre l’UE et les pays tiers. Une situation similaire s’était produite en 2000. Les « politiques de développement » incitaient l’Albanie, la Macédoine, le Kosovo et la Serbie à « trier » les citoyens avant de les autoriser à voyager dans l’UE. En a résulté en l’adoption des accords de réadmission et de retour. L’action coordonnée entre ces États et l’UE a fait qu’aujourd’hui il n’y a de moins en moins de demandeurs d’asile en provenance de l’Europe du sud-est au sein de l’UE. Reste à savoir si les pays des Balkans sauront ainsi discipliner les personnes qui ne sont pas leurs citoyens, ou si Frontex s’en chargera.

    https://www.courrierdesbalkans.fr/serbie-ue-frontex-refugies

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