• Pourquoi le Kremlin n’est pas derrière les Gilets jaunes et Facebook n’est pas à l’origine de la polarisation politique de nos sociétés | Ephemeron
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    Après l’échec des récits médiatiques et politiques tentant de circonscrire les Gilets jaunes à une pure revendication catégorielle (« ce sont des gens qui veulent circuler en voiture sans se soucier de l’intérêt général »), à une forme de radicalisation politique (« ce sont les nouvelles « chemises brunes ») où à l’ignorance (« ils ne comprennent rien à la transition écologique »), il a fallu élaborer des théories plus sophistiquées pour expliquer l’incompréhensible.
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    Si le phénomène des Gilets jaunes n’aurait sans doute pas pris l’ampleur et la forme qu’il a aujourd’hui sans Facebook, l’usage politique de Facebook n’existerait pas lui sans une insatisfaction généralisée des populations envers l’ordre établi (régimes autoritaires pour le Printemps arabe, néolibéralisme austeritaire pour les Indignés et autres Occupy, inégalités fiscales et sociales pour les Gilets jaunes) qui n’a rien à voir avec l’outil.
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    De la même manière, si une part croissante de la population accorde autant de crédit à des rumeurs, voire des informations sciemment manipulées qui circulent sur Facebook c’est parce qu’ils croient fermement que les « grands médias » ne sont pas dignes de confiance (sans être forcement complotistes, ni paranoïaques). En effet, deux français sur trois pensent que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique et économique.
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    De ce point de vue la concentration de la propriété des médias, la précarisation des journalistes, la proximité idéologique des cadres de l’industrie médiatique avec les pouvoirs en place et leur incapacité à prendre en charge les aspirations populaires sont autant des dangers que les dérives algorithmiques des plateformes.

    Une vision simpliste de la sociologie des usages et de la réception

    Enfin, ce type d’analyse contient également une vision simplificatrice à l’extrême de la sociologie des usages et de la réception de l’information. C’est rarement explicite, mais tout se passe comme si les tentatives de manipulation et les ingérences diverses et réelles dans le débat public autour des Gilets jaunes étaient suivis d’effets automatiques sur le public, conçu par défaut comme un sujet passif, sans esprit critique, isolé dans sa bulle à filtre numérique, susceptible de suivre n’importe quel bot russe ou de croire n’importe quelle rumeur infondée sans la mettre en rapport avec son expérience vécue.

    En somme il s’agit d’un sujet totalement aliéné et réifié par l’efficacité présumée des nouvelles techniques de propagande imparables. On se croirait revenus dans les années 40 et les premières hypothèses de la sociologie fonctionnaliste sur les effets des médias de masse.