• Dans ce texte, l’auteure fait un parallèle très intéressant entre la légitime défense et ses justifications et la gestion des migrants.

    Aux frontières de la légitime défense – les deux visages de notre xénophobie – L’HISTOIRE EST À NOUS
    https://historiaesnuestra.wordpress.com/2019/01/06/aux-frontieres-de-la-legitime-defense-les-deux-visages-

    il s’agit de comprendre les variations et les ajustements incessants produits par le jeu, au sens mécanique, entre Justice et vengeance privée. C’est un invariant dans nos sociétés qu’une frange radicale et hostile au droit commun exerce une pression sur la Justice en essayant d’exploiter cette brèche pour arracher des marges de tolérance en faveur de la violence privée, qu’elle soit appelée autodéfense ou légitime défense.

    En analysant ces mouvements pour la légitimation de la violence privée, Vanessa Codaccioni retrace la généalogie de la notion de légitime défense : « depuis toujours, la légitime défense est une affaire d’hommes, ceux qui usent de la violence physique et ceux qui disposent des armes, notamment par le biais de la chasse » (p.37). Ceux qui s’en réclament le font au nom d’un soi-disant « droit à la légitime défense » (expression contradictoire puisqu’il s’agit d’une exception au droit), qui désigne en réalité un droit à l’autodéfense. Elle met en évidence des invariants dans les stratégies de légitimation de cette violence et leurs conséquences judiciaires, sociales et politiques (le titre complet de son livre est tout un programme : Légitime défense – homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières).

    Notre modeste hypothèse est que ces stratégies ne sont pas sans rapport avec celles qui servent à la légitimation d’une autre forme de violence, celle que l’on organise et déchaîne contre les migrant.e.s. Non pas donc le crime de sang que l’on commet soi-même directement mais la violence souvent létale qu’on nous enjoint à accepter si l’on veut vivre. Car c’est sur elle que se fondent nos privilèges. Elle serait donc fatalement inévitable. Une sorte de violence archaïque fondamentale (qui peut rappeler celle du geste même de la fondation de la cité avec la constitution d’un monopole de la violence) mais qui serait désormais repoussée à nos frontières (et symbolisée par celles-ci) et légitimée par son caractère défensif. On verra qu’il y a ici une superposition de deux paradigmes, de deux idéologies et de deux imaginaires dont le point commun est peut-être la mobilisation de la notion d’ « instinct de survie ».
    instinct de conservation

    Dans le 3ème chapitre (« Autodéfense, incitation à la violence et usages sécuritaires des armes à feu »), dans le sous-chapitre « instinct de conservation, préservation de la race, guerre contre le crime », Vanessa Codaccioni rappelle que pour légitimer la violence au nom d’un droit à la légitime défense, ses partisans ont historiquement fait appel à la notion d’« instinct de conservation ». Cet « instinct de conservation » leur sert à naturaliser le recours à la violence et à le politiser pour « souligner l’urgence d’un sursaut collectif visant à éradiquer la délinquance violente » (p.109). Quand les partisans de l’autodéfense parlent de légitime défense, ils développent un « discours de biologisation du crime qui le compare à un « fléau » ou à une « maladie », [et qui] s’inscrit dans la tradition du positivisme scientifique qui, à la fin du XIXème siècle, fait du criminel un ennemi du corps social et y voit l’un des facteurs de dégénérescence de la société. Mais il vise également à réinscrire la légitime défense dans le cadre des « lois de la nature » et dans une perspective évolutionniste, à en faire le résultat d’une lutte mortelle des espèces »