Le Moine aux Yeux Verts | note de lecture d’Antoine Maire sur LinkedIn
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Je viens de terminer la lecture de l’ouvrage, Le moine aux yeux verts (Grasset), rédigé par Ts. Oyungerel, ancienne députée et ministre de la culture de Mongolie, et son mari, Jeffrey Falt. Sa lecture vaut tant pour sa valeur romanesque que pour la description concrète qu’il offre d’une période de grandes mutations et de grands traumatismes à laquelle la Mongolie a été confrontée à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Le lecteur y suit les aventures d’une petite communauté de l’aïmag de Khövsgöl, dont est originaire Ts. Oyungerel. Ses membres voient le cours de leur vie bouleversé au gré des grands événements historiques qui ont marqué la Mongolie à l’époque. Le roman mélange avec brio les thèmes de l’amour, de la responsabilité individuelle, de la fidélité à ses croyances et du rapport au politique dans une fresque historique passionnante. Les personnages, au gré des événements historiques, font face à des choix structurants et difficiles, décrits sans manichéisme aucun malgré leur acuité. Les dilemmes auxquels ils se heurtent sont universels et créent de fait chez le lecteur une forte empathie. Le récit est par ailleurs très imagé et permet une immersion dans les aventures des personnages, qui partent du lac Khövsgöl et voyagent par Oulan-Bator, les steppes orientales, la région chinoise de Mongolie Intérieure ou encore le désert de Gobi. Il offre à toute personne souhaitant découvrir la Mongolie, une magnifique plongée dans ses paysages, sa culture et ses traditions.
Outre sa valeur romanesque, l’ouvrage présente également plusieurs points d’intérêts pour ceux qui sont intéressés par l’étude de la Mongolie. Tout d’abord, il dresse une fresque historique d’une période charnière dans l’histoire mongole en revenant sur plusieurs événements décisifs tels que la prise du pouvoir de Kh. Choibalsan, la répression de la fin des années 1930 contre l’église lamaïque décidée par le Parti populaire et révolutionnaire mongol, la contribution mongole à la Seconde Guerre mondiale ou encore la conquête d’une indépendance de jure pour le pays. Sur le plan politique, l’ouvrage permet également de mettre en évidence l’intrication des rapports qui existaient alors entre l’Union soviétique et la Mongolie. La description des relations entre les personnages et les conseillers soviétiques illustrent la complexité de ces dernières, tout comme les débats provoqués par l’avancée des troupes mongoles en Mongolie-Intérieure au terme de la Seconde Guerre mondiale. L’ouvrage présente enfin l’intérêt d’illustrer de manière très concrète comment ses grands événements historiques se sont traduits dans la vie des Mongols. Les choix effectués par les individus face à ces évolutions, qu’il s’agisse de leur rapport à la religion, au Parti unique ou encore à la répression, sont décrits avec beaucoup de finesse. Ils offrent une incarnation concrète aux mutations et traumatismes hérités de cette époque et présents au sein de chaque famille.
Toute personne intéressée par la Mongolie et son histoire trouva dans la lecture de cet ouvrage un grand intérêt et un plaisir certain. Les lecteurs du livre Les Mongols Insoumis (Ateliers Henry Dougier) y découvriront plusieurs résonances, notamment une incarnation concrète des événements décrits dans le chapitre 2, consacré à l’héritage du socialisme et à son héritage. La lutte mongole pour l’indépendance, les crimes du socialisme ou encore à la gifle adressée par l’ancien Premier ministre mongol Genden à son homologue soviétique, Joseph Staline, en 1936 en constituent autant d’exemples.
Bonne lecture !