e-traces

Le projet e-traces aborde le Web 2.0 dans le contexte de l’instauration progressive d’une société de la surveillance.

  • Antonio Casilli : « Le mythe du robot est utilisé depuis des siècles pour discipliner la force de travail »
    https://www.liberation.fr/debats/2019/01/09/antonio-casilli-le-mythe-du-robot-est-utilise-depuis-des-siecles-pour-dis

    La révolution de l’intelligence artificielle ne peut se passer des données produites et triées par l’homme, utilisateur ou petite main invisible du micro-travail. Pour le sociologue, il est urgent de protéger ces activités travaillées contre la prédation des plateformes. Le sociologue Antonio Casilli est l’un des observateurs les plus affûtés des mutations provoquées par les technologies de l’information. Depuis quelques années, il s’intéresse en particulier au « digital labor » et livre avec son essai (...)

    #Amazon #Facebook #Instagram #YouTube #algorithme #robotique #travail #BigData

    • En lisant l’article, j’ai l’impression que Libé propose un titre et un axe de lecture qui ne correspondent pas tout à fait aux propos de l’auteur.
      Il n’est pas clair que Casilli avance qu’il n’y a pas d’effets négatifs sur l’emploi de la robotisation et de l’automatisation. Robotisation et automatisation passent par l’utilisation de données nécessaires à la digitalisation qui sont produites soit par les travailleurs et les travailleuses déjà en poste, soit par des tâcherons et des tâcheronnes du clic : derrière le bluff de l’IA, il y a bien du travail d’individus concrets. Si bien qu’ « en attendant les robots », il y a du travail encore plus fragmenté, encore plus stupide que jamais, et qu’il y en aura encore pour longtemps. Est-ce que le nombre d’emploi associé au tâcheronnage sera le même que ceux qui sont actuellement détruit ? On peut raisonnablement penser que non.
      La robotisation et l’automatisation, dans la plupart des entreprises, menacent des emplois précis : il est logique de s’en méfier. Quand on n’a pas d’hypermobilité, on se fiche bien du fait que d’autres emplois se créent quelque part pour d’autres. Du coup, quand la robotisation et l’automatisation avancent, on la craint, parce qu’elle est souvent synonyme de précarisation et de délocalisation. Ce n’est pas tant le mythe du robot qui discipline que les effets concrètement ressentis et vécus des vagues de robotisation et d’automatisation précédentes, qui montrent, de toute évidence, que c’est un « progrès sans le peuple » (David F.Noble).
      Un patron peut menacer des ouvriers en leur disant que de toute façon ils seront remplacés, leur faire valoir qu’ils sont sans importance puisque la robotisation avance et donc leur imposer des cadences, des modes opératoires extrêmement aliénants, etc. Quand il fait ça, il ne les mystifie pas en leur faisant peur de quelque chose qui n’existe pas : il leur dit que le processus de robotisation et d’automatisation va s’accentuer aux dépends du pouvoir qu’ils ont sur le processus de production ; ce faisant, il leur fait part de quelque chose de réel. Ce processus, cependant, n’est pas lui-même « automatique », indépendant des rapports sociaux. Il faut des ingénieurs qui font leur métier pour que cela puisse avoir lieu, il faut des syndicats qui ne pipent pas mot, il faut un consensus social autour de l’inéluctabilité de la numérisation et de la globalisation de la production, etc. Si mythe il y a, il est dans le fait que la robotisation et l’automatisation seraient comme des faits de nature, inéluctables, ancrés dans l’ADN de l’homo technicus indépendamment des rapports sociaux-historiques.
      Bon, évidemment, il ne faut sûrement pas se satisfaire d’une approche du bouquin sous l’angle Libé.