Le revenu universel en Italie, plus si universel que ça
▻https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/01/19/l-italie-adopte-une-version-amendee-du-revenu-universitael_5411565_3234.html
Après des mois de fausses pistes et de ballons d’essai, de crises de nerfs et de menaces de rupture, le gouvernement italien est donc parvenu à s’entendre. Dans les prochaines semaines devrait ainsi entrer en vigueur le « #revenu_de_citoyenneté », engagement de toujours des 5 Etoiles. « C’est un rêve qui se réalise », a aussitôt triomphé le chef politique du mouvement, Luigi Di Maio, sans trop s’attarder sur les multiples amendements apportés à un projet qui n’a plus grand-chose à voir avec l’idée originale.
Initialement voulu par le fondateur du mouvement, Beppe Grillo, comme la première étape vers le #revenu_universel, le revenu de citoyenneté se présentera comme une indemnité temporaire (pas plus de 18 mois, renouvelables une fois), obligatoirement associée à la recherche d’un emploi.
Plus de dix ans en Italie
Pour la percevoir, il faudra avoir résidé plus de dix ans en Italie (dont les deux dernières années), et déclarer moins de 9 360 euros annuels de revenus – 780 euros par mois, le seuil statistique de pauvreté en Italie. Son montant sera calculé par cellule familiale, et pourra aller jusqu’à 780 euros par mois (500 + 280 d’aide au logement) pour une personne seule, 1 330 euros pour une famille. Et il sera assorti de nombreuses décotes : selon ses concepteurs, 5 millions de personnes sont concernées, pour un effort total de 7 milliards d’euros par la communauté, ce qui revient à dire que le montant moyen de l’aide se montera à un peu plus de 100 euros par personne et par mois.
De plus, la personne recevant cette aide devra accepter toute offre sérieuse de travail qui lui sera faite à moins de 100 kilomètres de chez elle. Au fil du temps, le rayon géographique s’étendra, jusqu’à atteindre 250 kilomètres au bout d’un an et demi, voire l’ensemble du territoire national dans les derniers mois.
Enfin, pour répondre aux accusations de favoriser l’assistanat et le travail au noir, le gouvernement a assorti cette aide de nombreuses interdictions : ainsi, pour être éligible, il ne faudra pas avoir acheté une voiture neuve dans les six derniers mois, ni posséder une grosse cylindrée ou un bateau de trop grande taille. Par ailleurs, les éventuels fraudeurs seront punis avec la plus grande sévérité : ils pourraient encourir « jusqu’à » six années de prison.
La réforme des #retraites devrait concerner 1 million de travailleurs
Comparée a cette mesure incroyablement complexe, supposant l’existence dans tout le pays de centres d’aide à l’emploi dignes de ce nom, la réforme des retraites annoncée au même moment en conseil des ministres est d’une simplicité biblique. Selon le dispositif « quota 100 », toute personne âgée de plus de 62 ans et ayant cotisé trente-huit années pourra partir à la retraite dans les prochains mois. Pour le gouvernement, la mesure devrait concerner 1 million de travailleurs, et libérerait instantanément 1 million de postes de travail, aussitôt pourvus, et elle ne coûtera pas plus de 4 milliards d’euros cette année – un chiffre considéré comme très inférieur à la réalité par de nombreux experts.
Attaché à démontrer aux marchés que ces mesures n’entraîneront pas une explosion des déficits, Giuseppe Conte a assuré que la mise en place de ces dispositifs ne nécessiterait pas de loi de finances rectificative. Pourtant rien n’est moins sûr, alors que le budget italien est sous la surveillance de Bruxelles et que la conjoncture italienne s’est, ces derniers mois, dégradée de façon spectaculaire.
Alors que le pays semble techniquement entré en #récession (le troisième trimestre de 2018 a été négatif et les estimations pour la fin de l’année sont très pessimistes), le 1 % de progression du PIB prévu en 2019 semble hors de portée. Vendredi, la banque d’Italie a révisé à la baisse ses prévisions de croissance, estimées désormais à 0,6 %. Cette annonce a fait bondir Luigi Di Maio, qui a aussitôt dénoncé les « estimations apocalyptiques » d’une institution « qui se trompe depuis des années ».
Le ministre du travail et du développement économique a d’autant moins intérêt à tenir compte des avertissements de l’institution que pour eux, l’essentiel est ailleurs : le revenu de citoyenneté doit entrer en vigueur, coûte que coûte, en avril. Pour qu’il puisse commencer à être perçu avant les élections européennes.