• Une pétition devant la Cour suprême contre la loi sur l’État-nation : l’anti-arabisme porte atteinte aussi aux mizrahim [juifs-arabes] - [UJFP]
    Par Orly Noy. Article paru sur le site Si’ha Mekomit le 1er janvier 2019 et traduit de l’hébreu par Joëlle Marelli et Annie Ohayon.
    http://www.ujfp.org/spip.php?article6888

    « Ma langue arabe est muette
    étranglée dans ma gorge
    elle s’insulte elle-même
    sans prononcer un mot
    dans l’air étouffant des refuges de mon âme
    elle se dissimule
    aux yeux des membres de ma famille
    derrière la jalousie de l’hébreu
     »

    Ces lignes sont tirées de « Ma langue arabe est muette » d’Almog Behar, poète, écrivain et chercheur. Ce poème figure dans son intégralité en ouverture de la pétition exceptionnelle qui a été déposée ce matin [mardi 1er janvier 2018] devant la Cour suprême, contre la loi sur l’État-nation : environ cinquante Juives et Juifs [1] [israélien.nes] issu.es du monde arabo-musulman exigent le retrait de cette loi, non seulement parce qu’elle est « fondamentalement irrecevable, dommageable, humiliante et raciste, anti-démocratique et négatrice du statut de la minorité arabo-palestinienne en tant que minorité nationale en Israël, ou parce qu’elle instaure une hiérarchie et une inégalité sociales », mais aussi – et en cela réside la singularité de cette pétition – parce qu’il s’agit « d’une loi anti-juive, qui rejette l’histoire et la culture arabe, rabbinique et populaire contemporaine des Juifs issus des pays arabo-musulmans, qu’elle accroît l’infériorisation de la culture judéo-arabe dans l’espace public de l’État d’Israël et qu’elle défend au niveau constitutionnel la carte d’identité de l’État d’Israël comme État anti-arabe ».

    Parmi les signataires figurent notamment l’écrivain Sami Michael, le professeur [sociologue] Yehuda Shenhav, le professeur [sciences juridiques] Yossi Dahan, la professeure [sciences politiques et sociales] Henriette Dahan-Kalev, le militant associatif et ancien membre des Panthères noires [israéliennes] Reuven Abergil, l’artiste de spoken word et acteur Yossi Zabari. La pétition a été rédigée et déposée par l’avocate Netta Amar Shiff.

    Le texte de cette pétition, à l’élaboration de laquelle j’ai eu le privilège de participer et que j’ai signée, demande donc l’annulation de la loi sur l’État-nation dans sa totalité, tout en se référant plus spécifiquement à deux de ses articles : l’article 4, qui réduit le statut de l’arabe, de langue officielle à une langue « de statut particulier », et l’article 7, qui parle d’encourager et de perpétuer la colonisation juive.

    En outre la pétition exprime le regret que les mizrahim [2] , en tant que collectif, aient été tenus à l’écart du processus d’élaboration de la loi sur l’État-nation et que leur voix n’ait pas été entendue dans les débats qui l’ont précédée. Ceci en dépit du fait que cette loi a des conséquences immédiates et destructrices non seulement (bien que principalement) sur les citoyens palestiniens de l’État [d’Israël], mais aussi sur l’ensemble des mizrahim, en portant atteinte à leur droit de cultiver leur héritage, leurs attachements et leurs traditions culturelles et historiques ainsi que leurs liens avec l’espace où s’est formée leur identité culturelle, et que l’orientation anti-arabe dont témoigne la loi sur l’État-nation retentit également sur la situation des citoyens juifs originaires des pays arabes. (...)