Reka

géographe cartographe information designer - rêveur utopiste et partageur de savoirs

  • Sur FB « Ju Ef » réagit à louverture de l’exposition DAU (immersion dans l’univers soviétique) :

    https://www.dau.xxx

    J’ai vu, dans mes contacts, plusieurs partages dithyrambiques sur DAU, un projet gigantesque de film/installation artistique à mi chemin entre la télé réalité, le théâtre immersif et l’expérience totalitaire.

    En gros DAU c’est le projet d’un réalisateur qui s’appelle Khrzhanovsky, qui semble disposer d’un pouvoir et de moyens illimités. Il a créé un set de tournage en Ukraine, reproduisant une ville, truffée de caméras cachées, et dans laquelle, pendant 3 ans, 400 personnes ont vécu en immersion dans une imitation de système totalitaire.

    Les images produites vont être diffusées à Paris en étant intégrées à une sorte de spectacle immersif aux théâtres du Chatelet et de la Ville. Pour les visionner il faut remplir une demande de Visa qui pose des questions intimes, payer cher et s’engager à rester entre 6h et 24h à l’intérieur du dispositif.

    J’ai evidemment d’abord été intrigué par ce projet qui semble hors normes, mais plusieurs choses, dans les articles (très positifs) que mes contacts partageaient, m’ont rapidement gênées.

    Dans plusieurs de ces articles, il était fait mention, au détour d’une ligne, comme si ça n’etait qu’un détail, de travail gratuit, d’autoritarisme du réal, de crises de folie filmées, etc..
    Cela m’a alarmé et s’est ajouté à la méfiance que j’avais déjà à l’idée que des privilégiés, en France, payent pour se donner le frisson de la dictature. Je me suis donc un peu plus renseigné.

    Il ne m’a pas fallu aller bien loin. Il est extrêmement facile de trouver sur internet des descriptions plus approfondies des conditions dans lesquelles le tournage a été réalisé et sur la personnalité du réalisateur.

    Ce que j’ai pu lire est si horrible, d’une telle atteinte aux conditions de travail (et pour certaines à la santé le mentale) des personnes filmées, le réalisateur, quant à lui, d’une telle misogynie, d’un tel sadisme, que je ne comprends pas que quiconque (et à fortiori des QUEER FEMINISTES) envisagent d’y participer en filant du fric pour le projet sous prétexte de ne pas rater cette ’’œuvre d’art hors normes’’.

    Déjà en fouillant un peu on trouve très rapidement beaucoup plus de détails sur les conditions de travail des personnes qui ont participé au tournage.

    Immersion des travailleur.euses type télé réalité, avec consentement vicié car beaucoup qui ne savent pas exactement à quoi iels participent, pour combien de temps, comment les images vont être utilisées, et exactement où sont les caméras et les micros.
    Travail gratuit ou sous-payé.

    Quand ce travail est payé : RETENUES SUR SALAIRES COMME PUNITION si on ne suit pas à la lettre les règles folles et arbitraires qui passent par la tête du réal. Licenciements abusifs sur simple caprice du réalisateur, ou si vous perdez votre santé mentale à cause des conditions de travail. Participant.e.s au tournage qui développent du PTSD. Etc...

    A cela s’ajoute la personnalité du réalisateur qui semble être mégalomane, sadique, misogyne et un prédateur sexuel qui harcèle et humilie les femmes autour de lui, ou arrive à ses fins avec elles en usant de son pouvoir.

    Voici des extraits d’un article abominable (relayé par Trax magazine comme l’article de référence, on croit rêver) pondu pour GQ par un certain Michael Idov, un type dont on ferait bien de se rappeler pour ne plus jamais le lire et changer de trottoir quand on le croise dans la rue. Cet article est un bon exemple de ce que les féministes nomment la culture du viol. On se dit à sa lecture qu’on devrait boycotter DAU mais aussi se torcher le cul avec GQ.

    L’article est très difficile à lire car l’auteur, tout en dévoilant un liste de comportements abusifs de la part du réalisateur, ne cache pas son admiration pour ce ’’génie’’. Il décrit des scènes qui sont clairement du harcèlement sexuel avec un ton léger comme si il s’agissait d’anecdotes croustillantes qui montrent à quel point Khrzhanovsky est de ces doux dingues qui font les grand artistes (hommes).

    Morceaux choisis :

    Le Real parlant à la troisième personne d’une actrice présente, comme si elle n’était pas là :

    "Tear off her eyelashes," he says without breaking stride. « She looks like an intellectual whore. »

    « Well, that was the idea ! » the makeup artist yells to his back.

    « Sure, » says Khrzhanovsky, pivoting on one heel like an ice dancer.

    "But try to make her look less whorish. Impossible, I know."

    Misogynie et licenciements abusifs :

    ’’People come and go in disorienting waves. When Khrzhanovsky likes someone—more often than not a young woman—he offers them money and an important-sounding title at once. When someone rubs him the wrong way, he fires them midshot.’’

    Accrochez vous, ici le réalisateur rencontre une aspirante participante au projet (il les choisis notamment si elles sont physiquement à son goût) en tête à tête. Il la prive de sommeil et lui pose des questions d’ordre sexuel. Il la traumatise (elle tremble de dégoût) et la recale....
    Wouah TROP ARTY !

    "There they talked for two hours more, until 3 a.m., this time in private. The questioning quickly switched from art to sex. When did you lose your virginity ? Can you come up to a guy in a club and fuck him without finding out as much as his name ? Are any of your friends whores ? ("I couldn’t understand whether he meant professionals or just slutty," Yulia says. « By that time, I was well into my second sleepless night. I just wanted it all over with so I could go to sleep. »)
    The director wouldn’t make an actual move—that wasn’t his style—but clearly expected her to throw herself at him. « When I got out, » remembers Yulia, « everyone was like, ’Did he ask you about sleeping with other women ?’ That seemed to be an important part of his interview process. » In the morning, when she saw Khrzhanovsky, she started uncontrollably shaking with disgust. Soon after, an assistant curtly told her to leave : "You and Ilya have very differing outlooks on life."

    La puissance créatrice de l’artiste est liée à sa puissance virile sexuelle (que des esprits chagrins appelleraient un comportement de prédateur sexuel) :

    (Parlant de la biographie de Khrzhanovsky)

    ’’A few short years later, he was a dedicated club kid and one of Moscow’s premier pickup artists. The legends of his exploits still make for party-chat fodder. One friend recalls the 16-year-old Ilya approaching strange women, on a dare or a bet, and saying in his soft voice, « Come suck me off in the bathroom. » (It somehow sounds even worse in Russian.) And they would. Some of them, anyway. Khrzhanovsky hit on everyone. It cost him friendships. But it also got him laid, again and again. "His main driving force in life is crippling, animal lust,"

    On dirait le club Med :

    "Some say they’d happily work with Khrzhanovsky again, others claim something akin to PTSD. « It’s almost slavery, » writes one former crew member in a blog. "But Ilya managed to make everyone think they were part of something truly great."

    Pas de surprise que ce journaliste assiste à tout cela sans s’en insurger puisque lui-même semble être bien miso. Le voici entrain de parler d’une participante qui lui montre la chambre dans laquelle elle vit sur le tournage :

    ’’It’s an intensely erotic and odd moment, this tiny pet showing off her cage.’’

    Bref, cet article est édifiant car bien qu’il essaye de dresser un portrait positif de cette œuvre et du réalisateur il ne parvient pas à cacher tous les manquements aux droits du travail et aux droits humains sous le prétexte de l’art et de l’expérience sociale.

    On va me dire que j’ai rien compris que c’est justement la beauté, la profondeur du truc, qu’en reproduisant un climat totalitaire le réalisateur brouille les pistes entre fiction et réalité, le jeu et la vie, blablah. Osef, aucun de vos concepts artistiques ou philosophiques fumeux de pseudos intellectuels se branlant mutuellement la nouille ne justifie la torture d’être humains ou d’animaux.

    Et marre de donner du pouvoir, du fric, de la légitimité à des mecs comme Khrzhanovsky en cachant leurs comportements de prédateurs sexuels sous la qualification de ’’génies’’

    C’est à mon sens extrêmement alarmant que des gens partagent et fasse la com’ de DAU, sans s’interroger un peu plus au delà de l’aspect fascinant du truc.

    Cela me semble inconcevable et indécent qu’on puisse envisager de refiler ne serait-ce qu’un centime à ce projet. D’autant plus en se drappant de bonne conscience, en se disant qu’on participe d’une expérience artistique historique et avant gardiste. Sans avoir l’honnêteté de reconnaître que si vous allez, en toute connaissance de cause, aux représentations à Paris, ça sera uniquement pour votre gratification personnelle, au mépris des conditions qui ont permis l’existence de l’oeuvre.

    À ce prix là, si vous voulez vous immerger dans un spectacle grandeur nature fignolé dans ses moindres détails par des travailleur.euses exploitée, allez à Disneyland. Au moins les employé.e.s y sont quand même payé.e.s.