• La mise en image de la domination policière et de l’humiliation de la jeunesse | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/rafik-chekkat/blog/071218/la-mise-en-image-de-la-domination-policiere-et-de-l-humiliation-de-l

    Depuis le 6 décembre au soir, les fils d’actualités des réseaux sociaux se sont emplis des images d’une arrestation collective à Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. Des dizaines de jeunes hommes (environ 150), genoux à terre et mains sur la nuque sont alignés en rangées, tenus en respect dans le silence par des policiers debout, casqués, matraques et boucliers à la main. « Voilà une classe qui se tient sage » commente une voix que l’on devine policière.

    Ces images tournées par les policiers eux-mêmes derrière la maison des associations Agora non loin du lycée Saint-Exupéry où a eu lieu cette interpellation spectaculaire, ont provoqué écœurement et effroi. Ce texte est une tentative de comprendre cet effet de sidération collective, dans lequel nous sommes pris nous-même. Pourquoi ces images, qui paraissent pourtant moins violentes que les nombreuses scènes de tabassages policiers diffusées depuis plusieurs jours, nous choquent-elles ?

    Un texte de Rafik Chekkat et cet autre (écrit fin novembre) que si demande « De quelle couleur sont les gilets jaunes » ?
    https://blogs.mediapart.fr/rafik-chekkat/blog/251118/de-quelle-couleur-sont-les-gilets-jaunes

    Le mouvement des « gilets jaunes » met en branle des populations dont on peine à trouver le dénominateur commun, sinon qu’elles sont animées d’une défiance plus ou moins grande vis-à-vis des partis, qu’elles revendiquent une baisse des taxes et la démission de Macron (parfois les deux), et qu’elles vivent principalement en milieu rural, en banlieue ou dans un entre-deux périurbain. Et puis qu’elles sont majoritairement blanches. Et cette donnée a son importance.

    Dans une société structurellement raciste, tout mouvement collectif d’envergure se doit d’apparaitre neutre du point de vue racial (c’est-à-dire d’être très majoritairement blanc) sous peine de se voir qualifié de « communautariste ». Et même quand le mouvement est majoritairement porté par des Blanc.hes, il est des questions (liées aux réfugié.es, à l’islam, à la police, etc.) qui sont jugées clivantes et qu’il est conseillé de ne pas mettre en avant si le mouvement veut bénéficier de relais médiatiques et politiques.

    Au cours des derniers jours, de nombreuses comparaisons ont été faites entre le traitement médiatique et policier réservé aux révoltes de l’automne 2005 et celui jugé plutôt complaisant à l’égard des « gilets jaunes » (même si en certains points la répression a pu être musclée et qu’en cas de prolongement du mouvement la tonalité du discours des médias dominants risque de changer). Pour compréhensibles qu’elles soient, ces comparaisons opèrent un nivellement par le bas et finissent par qualifier de privilège (ne pas subir de féroce répression et être disqualifié dans les médias) ce qui devrait être de mise pour tout mouvement social.