« Et puis, il faut cesser de médire de l’émeute. »
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« S’il y a des émeutes qui ne conduisent ni à l’insurrection ni à la révolution, il n’y a pas de révolution ni d’insurrection qui ne commencent par une émeute. L’émeute est un début de débat. À moins que l’émeute, il n’y a pas aujourd’hui de discussion publique possible, il n’y a que le monotone monologue de la gestion de ce qui est là. » Seule la violence aide là où la violence règne. C’est un fait, et une leçon de l’histoire. Ce gouvernement se cache lâchement derrière sa police, à tel point qu’il ne peut plus se permettre de reconnaître le moindre des méfaits de celle-ci, même le plus établi, par crainte de lui déplaire. Il ne cédera que lorsqu’elle le lâchera, et elle ne le lâchera que sous l’effet de deux mouvements simultanés : faire sentir à la police l’immensité du discrédit où elle s’est plongée, sa perte de toute force morale et la haine qui la cerne désormais - y compris physiquement par le traitement que lui réserve la rue - et lui faire sentir en même temps qu’il y aura pardon pour ceux d’entre ses membres qui se dissocieront à temps du pouvoir en place et feront amende honorable. C’est notre en même temps à nous. Il fallait bien que la technique good cop-bad cop serve un jour un dessein honnête.
Bref : tout cela pour te dire, pour vous dire, que malgré toutes les pressions qui se déversent sur vous, sur nous, il faut tenir le cap, et peut-être entamer une discussion stratégique ouverte sur les moyens de destituer le système, et pas juste le système politique. Nous sommes face à un ennemi qui raisonne à froid, s’appuie sur cinq cents ans d’expérience d’écrasement des révoltes populaires et pense stratégiquement. Il sait qu’il nous tient par toute l’organisation matérielle de cette société. C’est donc, pas à pas, de cela que nous avons à nous affranchir. C’est considérable, mais ce n’est pas pour rien que tout ce que le gouvernement fait depuis novembre se retourne invariablement contre lui. Et cela n’a aucune raison de s’arrêter. Ses manœuvres n’opèrent plus parce qu’elles sont immédiatement perçues comme manœuvres. Semaine après semaine, l’un après l’autre, tous les masques tombent. Machiavel avait bel et bien raison : « gouverner, c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire et même d’y penser » - une guerre de manœuvre menée sans relâche contre un peuple que l’on méprise parce qu’on le redoute. Le scandale de l’ordre existant ne se perpétuait que parce que nous nous demandions tous, seul devant notre écran, pourquoi tous les autres ne descendaient pas dans la rue. La dépression de chacun était le secret de l’oppression de tous, et inversement. On n’est à la fois maître des âmes et des corps que tant que dure la crainte ou l’espoir. Or nul n’espère plus rien de l’ordre en place, et il a cessé d’inspirer la crainte à force de menaces sans effet, de mensonges éhontés, de gesticulations dans le vide. À nous d’inventer les contre-manoeuvres efficaces. C’est cette réflexion qu’il faut mettre à l’ordre du jour parmi nous. C’est dans le débat en notre sein que s’affûtera l’intelligence partagée de la situation. Que se trouvera le chemin praticable pour sortir du désastre présent. Pour cela, il faut cesser de craindre l’expression de désaccords et apprendre à se contredire avec bienveillance. Il faut cesser de tout prendre sur soi. Il faut se faire confiance. Ou bien on finira par lire sur les murs : « Drouet démission ».
Bien amicalement,
Des gilets jaunes toujours pas fatigués